Une politique de normalisation linguistique peut-elle être efficace?

Jean-Claude Corbeil
Linguiste

L’aménagement linguistique au Québec et la normalisation linguistique en Catalogne poursuivent un même double but : assurer la survie d’une langue et en faire la langue commune de la vie collective. Des dispositions juridiques ont été adoptées dans les deux pays à cet effet et des plans d’action mis en place pour les réaliser.

Ces politiques linguistiques peuvent-elle être efficaces? En fait, il y a deux manières de répondre à la question. Première réponse : le succès dépend de la manière dont elles ont été conçues et des moyens que l’on prend pour les mettre en place. Deuxième réponse : la possibilité de modifier la situation de départ varie selon les domaines d’usage de la langue, du moins si on en juge d’après l’expérience québécoise.

Ces politiques réussissent et réussiront dans l’avenir si elles conservent les qualités suivantes, qui découlent de leur nature :

La volonté politique doit être persévérante, de même que les efforts de tous ceux qui travaillent à la mise en place de la politique linguistique. Il faut donc que les gouvernements successifs maintiennent le même objectif d’affirmer la langue officielle. Il faut aussi que les responsables administratifs ne cédent pas à l’impatience (vouloir aller trop vite), au découragement (le mythe de Sisyphe), à la tentation de considérer leur tâche comme un simple travail de fonctionnaire (le scepticisme de qui a tout vu). Il faut enfin transmettre le dossier aux générations qui suivent, en même temps que la volonté, la détermination de maintenir le cap, c’est-à-dire recréer l’opinion publique d’une génération à l’autre, puisqu’elle a toujours tendance à s’effriter avec le temps. C’est probablement la chose la plus difficile, surtout parce que les raisons initiales de la politique linguistique finissent par ne pas être connues ou comprises des jeunes qui n’ont pas vécu la période où leur langue maternelle était bafouée, interdite, dominée.

Ce sont là conditions générales qui garantissent l’efficacité d’un plan de normalisation linguistique. Essayons d’être plus concret en partant de l’expérience québécoise. Il est aujourd’hui possible d’évaluer le succès de la Charte de la langue française, domaine par domaine. Sans entrer dans le détail, on peut proposer le classement suivant :

Chose certaine, la situation linguistique du Québec s’est profondément modifiée grâce à la Charte de la langue française, ce qui démontre bien qu’il est possible de modifier une situation en faveur d’une langue.

Référence bibliographique

Corbeil, Jean-Claude, « Une politique de normalisation linguistique peut-elle être efficace? ». Inédit. Texte paru en catalan : « Pot se eficaç una politica de normalitzacio lingüistica? », Revista del Centre de Lectura de Reus, Reus, mars 1996, p. 9. [article]