Le français au Québec, une langue à restaurer?

Jean-Claude Corbeil
Linguiste-conseil et coauteur du dictionnaire Le Visuel, dictionnaire thématique français/anglais.

Que la norme du français dans les écoles du Québec soit le français standard d’ici. Le français standard d’ici est la variété de français socialement valorisée que la majorité des Québécois francophones tendent à utiliser dans les situations de communication formelle.

AQPF, 1977

Le français au Québec, une langue à restaurer? On ne peut pas répondre à la question brutalement, par oui ou par non.

Il faut d’abord se souvenir qu’une langue est, en fait, un ensemble d’usages en concurrence les uns avec les autres et qu’en conséquence, si toutes les langues doivent être restaurées, c’est par rapport à l’un de ces usages pris comme norme, c’est-à-dire valorisé par la majorité des locuteurs et accepté comme référence du bon usage de cette langue.

Il faut surtout se demander pourquoi on enseigne leur langue maternelle à des enfants qui en ont pourtant une connaissance réelle à leur entrée à l’école, à la différence de l’enseignement du français comme langue seconde.

Comme trait d’union entre ces deux aspects de la question, il y a le personnel enseignant, modèle quotidien de la norme du français au Québec, et les professeurs de français, dont la responsabilité professionnelle est d’initier les élèves à la maîtrise de la norme.

Je traiterai la question en deux temps : d’abord par des remarques préliminaires qui nous permettront d’établir rapidement le cadre théorique du sujet, puis, par l’esquisse d’un guide du bon usage du français au Québec à l’intention du personnel enseignant.

Remarques préliminaires

1 ) Français international ou universel/français québécois

On oppose souvent français international à français québécois. Ces étiquettes sont peut-être commodes, mais il est difficile d’en cerner le contenu sur le plan proprement linguistique.

La réalité, c’est que toutes les langues varient. Ce qui change d’une langue à une autre, c’est l’intensité de la variation et, surtout, les attitudes à l’égard des différences, à l’égard de ce qu’on appelle les accents.

Le français est la langue qui varie le moins, qui a poussé le plus loin la standardisation linguistique, depuis le XVIIe siècle.

Une langue est comme une marguerite, composée d’un cœur entouré de pétales joints à lui. Quand on effeuille une marguerite, on reste avec une pluie de pétales et un cœur au bout d’une tige, mais on n’a plus de marguerite. Dans une langue, le cœur correspond au noyau dur du système linguistique, ce qui fait qu’une langue est elle-même et distincte des autres langues. Les pétales correspondent à des usages particuliers de la langue, soit géographiques, le français au Québec, en Belgique, en Afrique par exemple, soit sociaux, selon la division de la société en couches socioéconomiques, soit stylistiques, le français familier, le français soutenu, le français littéraire ou poétique, soit spécialisés, ce qui touche surtout les terminologies, soit historiques, c’est-à-dire l’ancien français, le français classique, le français moderne. Tous ces usages font partie de la langue française globale.

Les termes français international ou français universel sont plutôt des slogans, des étiquettes qui ont eu du succès. En général, on veut exprimer par là l’idée qu’il existe une large partie de la langue française commune à tous les francophones et qui leur permet de communiquer entre eux. Mais l’expression véhicule aussi une sorte de militantisme contre la variation linguistique au nom de l’intercommunication des francophones du monde entier. Au mieux, on peut appeler français international le noyau dur de la langue, le cœur de la marguerite.

Le terme français québécois est un raccourci commode pour désigner le français en usage au Québec, généralement en ayant surtout en tête ce qui le distingue du français français. En réalité, ce n’est pas une langue, mais un usage particulier de la langue française. De plus, on ne peut le limiter au strict territoire du Québec, parce qu’il s’est étendu à l’Ontario et vers l’Ouest, par la migration des Québécois, et qu’il touche au Nouveau-Brunswick où il entre en contact avec une autre variété du français, l’acadien. Il est donc plus juste de parler du français au Québec plutôt que de français québécois.

2) Langue parlée/langue écrite

Ces deux formes de la langue diffèrent surtout par leurs conditions de production.

La langue parlée est dans l’immédiat, la spontanéité, entièrement préoccupée de la chose à dire, entraînée vers l’avant dans le temps de la succession verbale, sans possibilité de retour en arrière, la seule possibilité de correction étant de reprendre la phrase, le mot, le segment jugé incorrect par le locuteur ou non adéquat à la pensée.

Au contraire, la langue écrite se déroule hors du temps, dans le silence et le calme de l’écriture, avec le loisir de réfléchir, de changer d’idée, d’essayer plusieurs formulations différentes de la même idée jusqu’à ce que soit trouvée celle qui rend le mieux compte de la pensée, avec la possibilité de consulter les instruments de référence, grammaires et dictionnaires de tous genres, de laisser dormir un texte pour y revenir par la suite.

La langue écrite exerce une influence réelle sur la langue parlée, en favorisant le travail de réflexion sur la langue et en fournissant des occasions multiples à chaque locuteur de perfectionner sa compétence, d’où l’importance de l’enseignement de la langue écrite à l’école, par la lecture et l’écriture.

D’une manière réaliste, on ne peut pas montrer la même sévérité à l’égard d’une performance en langue parlée qu’à l’égard d’un texte écrit. Les fautes d’un texte écrit sont impardonnables, à moins qu’il ne s’agisse de coquilles, tandis que les malheurs de la langue parlée sont excusables, s’ils sont peu nombreux. Dans les deux cas, la hiérarchie des normes fonctionne et permet de reconnaître facilement ceux qui parlent ou qui écrivent bien.

3) Registres de langue

En langue parlée et en langue écrite, il y a des registres de langue.

La détermination de ces registres et leur dénomination sont plutôt demeurées impressionnistes, sans description globale, sauf peut-être pour le français écrit littéraire, objet de prédilection des dictionnaires et des grammaires. Les étiquettes généralement utilisées distinguent le français populaire, le français familier, le français soutenu, le français littéraire et le français poétique.

Il existe une norme pour chacun de ces registres.

4) Usage et normes

Il faut donc parler de normes au pluriel et savoir qu’elles sont hiérarchisées à l’intérieur d’une même communauté linguistique, du Québec par exemple.

L’usage n’est donc pas le seul critère ni un critère fiable, car chaque usage se juge en fonction d’une norme, c’est-à-dire en fonction de la valeur que lui reconnaissent les locuteurs. C’est sur cette base que se fait la distinction entre langue standard et langue non standard.

L’école a pour mission d’amener les élèves à la maîtrise de la langue standard en langue parlée et en langue écrite. Il ne s’agit pas de condamner les usages non standard, mais de leur opposer la connaissance et l’utilisation naturelle des usages standards. En fait, l’école a pour objectif de former des caméléons linguistiques, des locuteurs capables de passer d’un registre à un autre avec compétence et naturel, en langue parlée et en langue écrite.

5) La norme du français au Québec

Les Québécois sont parfaitement capables de reconnaître qui parle bien et qui écrit bien au Québec. Ils sont aussi capables de reconnaître le français populaire, que ce soit en langue parlée ou en langue écrite. Ils ne confondent pas français populaire et français standard et admettent le rôle de chacun dans notre espace linguistique. De ce point de vue, notre communauté est saine.

On ne peut pas en dire autant des enfants qui sont à l’âge d’un seul registre linguistique, celui de leur milieu. L’école doit leur ouvrir grand l’espace de la langue, celle du Québec et celle des autres pays francophones, organisés autour de la langue standard.

La norme du français au Québec n’est pas décrite, du moins elle demeure encore dans les cahiers des linguistes. Mais elle existe bel et bien et l’école, dans son ensemble, doit en témoigner. Les professeurs de français ont pour obligation professionnelle de l’enseigner et d’en favoriser la maîtrise par leurs élèves, en langue parlée et en langue écrite. Tout le personnel de l’école, directeurs et professeurs d’autres matières, doit l’illustrer, puisque ces personnes servent de modèles linguistiques, qu’elles le veuillent ou non. D’où la responsabilité des facultés d’éducation de former les futurs professeurs à la maîtrise d’une langue de qualité et d’en faire, réellement et non pas uniquement sur papier, une condition d’obtention du diplôme d’aptitude à l’enseignement.

Guide du bon usage du français au Québec

Même si la norme du français au Québec n’est pas totalement définie, les linguistes ont cependant suffisamment décrit l’usage du français au Québec pour qu’il soit possible de tirer de leurs travaux un guide du bon usage du français d’ici à l’intention des écoles.

Je tracerai les grandes lignes de ce guide du bon usage du français au Québec à mes risques et périls, en suivant les grandes divisions de la langue : prononciation, morphologie, syntaxe et lexique.

Je le ferai en ayant deux convictions :

Prononciation

Phénomènes à accepter

Phénomènes à surveiller

Phénomènes à corriger en langue standard

Morphologie

La morphologie fait partie du noyau dur de la langue. Aucune variation n’est admise, sauf pour les cas de féminisation des titres de fonction qu’on pourrait tout aussi bien classer dans le lexique.

Phénomènes à surveiller

Phénomènes à corriger (observables en français français populaire)

Des erreurs sur le genre de certains mots, surtout ceux commençant par une voyelle ou un h aspiré (voir tableau dans le Multidictionnaire de la langue française). Exemples : une avion < un avion, l’autobus, elle arrive.

Syntaxe

Il n’existe aucune différence notable entre la syntaxe du français québécois et celle du français français. La syntaxe doit demeurer la même, comme armature de la langue.

Dans l’enseignement du français, le problème fondamental est de faire franchir aux élèves le passage entre la syntaxe de la langue parlée non standard et celle de la langue parlée standard, puis de la syntaxe de la langue parlée à celle de la langue écrite, ce qui se fait par l’observation, la répétition, la connaissance de la grammaire, l’habitude de l’écriture et la lecture. Ces deux passages exigent l’intervention du professeur, qui agit comme guide, comme répétiteur et comme correcteur, avec doigté certes, mais aussi avec exigence, car il y a une vérité linguistique comme il y a une vérité mathématique ou scientifique.

Exemples de ce passage : les tics de discours, comme fake, tsé veux dzir, le si suivi du conditionnel au lieu de l’indicatif imparfait (si j’aurais), l’alternance mais que et lorsque, la difficulté d’usage du pronom relatif dont.

Lexique

Le lexique est la partie de la langue la plus vaste, la plus difficile à enseigner et la plus longue à apprendre.

Le lexique d’une langue est composé d’éléments très disparates qui sont tous présents dans la mémoire de chaque locuteur.

On peut ainsi distinguer :

Le lexique entraîne surtout un problème de mode d’emploi, auquel les élèves doivent s’initier et qu’ils doivent intégrer pour conquérir ainsi leur propre liberté stylistique, comme tout bon locuteur. De plus, il amène, pour les professeurs et pour le personnel administratif, un problème de compétence personnelle.

L’approche pédagogique doit, elle aussi, être globale. Pour ma part, les objectifs de l’école sembleraient les suivants :

L’école est donc un lieu de passage entre deux spontanéités linguistiques, celle de la langue de l’enfance à l’arrivée à l’école et celle de la langue de l’âge adulte, celle-ci organisée autour de la langue standard. Entre ces deux spontanéités, s’impose une période d’apprentissage de la langue, une période où se forme la conscience linguistique, l’instinct de la langue.

Deux secteurs du lexique sont plus difficiles à traiter : les québécismes et les anglicismes. L’OLF a publié deux énoncés de politique sur l’un et l’autre sujet. Les notes qui suivent s’en inspirent.

Critères d’acceptation des québécismes

Critères des québécismes à surveiller

Cette catégorie de québécismes correspond à des mots qu’il ne s’agit pas de condamner, mais dont il faut expliquer le mode d’emploi par rapport au français d’ailleurs. Il s’agit souvent de québécismes d’usage local, c’est-à-dire dont on peut facilement faire l’économie en faveur de la variante en usage dans le reste de la francophonie.

Entrent dans cette catégorie :

Critères de détermination des anglicismes, définis comme étant des emprunts inutiles à la langue anglaise, donc à ne pas accepter en français standard québécois

Critères d’acceptation des emprunts à l’anglais ou à d’autres langues

Ouvrages de référence

Il nous manque toujours un dictionnaire du français au Québec, qui ferait autorité.

Il existe tout de même quelques ouvrages récents qui peuvent guider notre usage du français au Québec. Les plus intéressants sont :

Voilà un rapide tour de la question. Enseigner le français n’est pas une mince affaire. Cet enseignement exige une grande compétence linguistique, une connaissance instinctive des nuances de la langue et un sens du marketing et du théâtre qui permettent de faire passer la matière.

De plus, c’est une tâche essentielle, pour au moins deux raisons : la connaissance de la langue est l’outil fondamental de la pensée et la langue française est le fondement même de notre identité personnelle et collective.

Enfin, il est parfaitement normal et universel qu’un enfant apprenne sa langue maternelle à l’école. L’argument disant que c’est difficile, parfois trop, ne tient pas, ni pour le français, ni pour toute autre langue. Le problème est partout fondamentalement le même : apprendre l’écriture et l’orthographe, apprendre à passer de la langue de son milieu à la langue standard.


Il nous a semblé intéressant de rapporter les échanges de vues qui ont eu lieu à la suite de l’exposé de Jean-Claude Corbeil ainsi que quelques questions qui lui ont été posées après son exposé afin de faire ressortir les préoccupations des enseignants et des enseignantes qui participaient à ce colloque. Mais avant, nous présentons une mise au point faite par M. Corbeil après la table ronde au cours de laquelle Marie-Éva de Villers, auteure du Multidictionnaire des difficultés de la langue française, et Jean-Claude Boulanger, auteur du Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (DQA), ont présenté leurs positions respectives sur la question suivante : parler français ou parler québécois : entre une langue indigène et la norme parisienne, le français du Québec a-t-il une place? Nous considérons que les propos de M. Corbeil cernent très bien l’ensemble des éléments en jeu dans la discussion sur la norme.

Jean-Claude Corbeil : La publication du DQA perturbe profondément la communauté des linguistes et celle des locuteurs du Québec. On est en face d’un problème. Je me sens très touché par cette aventure, comme ancien formateur dans les écoles normales. D’une part, je sais comment vous allez réagir à l’égard du dictionnaire parce que je suis celui qui a toujours essayé de trouver une pédagogie du français qui soit éminemment corrective. C’est l’essentiel même de l’enseignement d’une langue maternelle à des enfants.

D’autre part, vous avez devant vous deux personnes avec qui j’ai travaillé pendant des années. Ils sont des amis personnels et vous constatez qu’ils ne sont pas du tout du même avis. Entre les deux, mon cœur balance... pour la simple raison qu’ils ont raison l’un et l’autre. Le discours de Jean-Claude est inattaquable du point de vue linguistique. Ce qu’il dit du point de vue scientifique et de la manière dont on doit faire les dictionnaires est coulé dans le béton. Le point de vue de Marie-Éva est aussi coulé dans le béton et parfaitement juste. Il est dans une autre logique : une logique de l’orientation de l’usage de manière à donner des indications claires et nettes sur les différents aspects des mots.

Nous sommes en face d’une ambiguïté totale. Le problème que l’on aura à discuter aujourd’hui est celui de l’ambiguïté. Entre Jean-Claude qui dit que le dictionnaire, c’est une description, et vous qui êtes des utilisateurs et qui avez votre idée de ce qu’est un dictionnaire pédagogique, il y a un problème à examiner.

Ce dictionnaire n’est pas un dictionnaire pédagogique; c’est un dictionnaire descriptif d’usage du français au Québec. C’est une des premières ambiguïtés fondamentales. Autrement dit, quelle sorte de dictionnaire les professeurs veulent-ils avoir?

Deuxième ambiguïté : les professeurs ne se sentent pas capables d’évaluer un dictionnaire. Ils veulent avoir quelque chose de clair et qui soit immédiatement utilisable. Jean-Claude postule que vous êtes là, entre lui et le public, et que c’est à vous de dire comment utiliser un dictionnaire; comment naviguer d’un dictionnaire à l’autre pour trouver la vérité linguistique. Vous, ce n’est pas ce que vous voulez. Il y a donc des objectifs qui me semblent particulièrement différents. Si, aujourd’hui, on pouvait clarifier ces deux points-là, peut-être que dans l’avenir, on pourrait arriver à se trouver des outils qui puissent concilier à la fois la rigueur de la description scientifique du français au Québec et le besoin que vous avez d’un instrument pédagogique qui vous aide à faire votre travail.

Troisième ambiguïté : la question des normes d’usage. L’appareil des marques qu’on utilise présentement - familier, populaire, etc. - est un instrument tellement primitif qu’il n’arrive jamais à satisfaire l’utilisateur du dictionnaire. Ce n’est pas parce qu’on met « familier » que ça dit quelque chose. Mettre « à proscrire » est tellement interventionniste qu’un bon lexicographe vous dira qu’on ne peut pas faire ça. On ne peut pas proscrire « pogner »; ce mot existe.

Quels sont les systèmes de marque qu’on pourrait utiliser pour orienter l’usage des Québécois? Ceux-ci ne sont pas fous; ils savent très bien quel est le statut du verbe « pogner »; ils savent très bien quand et comment on peut utiliser « câlisser ».

Mais on a du mal à refléter ce sentiment linguistique dans un dictionnaire. On a été très paresseux, du point de vue lexicographique, en n’inventant pas des systèmes qui puissent dire clairement, dans un texte, ce que nous, comme locuteurs, nous pensons des mots que nous utilisons. Je sais très bien, et vous aussi, comment utiliser le mot « câlisser »; mais est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de donner ces renseignements dans un dictionnaire? Les élèves sauraient qu’ils peuvent l’utiliser, mais ils finiraient par comprendre qu’ils ne peuvent pas l’utiliser n’importe comment et qu’il y a des règles sociales d’utilisation des mots.

Mais ces règles, on ne les trouve pas dans les dictionnaires. On est toujours un peu embarrassé parce qu’on a peur que les gens trouvent légitime de transgresser les règles sociales d’utilisation sous prétexte que c’est dans le dictionnaire.

Ce sont là les ambiguïtés dans lesquelles on va être pris toute la journée. J’aimerais qu’on navigue très correctement dans les ambiguïtés; qu’on les fasse toutes ressortir, quitte à s’engueuler royalement, ce qui n’est pas grave. Au moins, on en sortira avec quelque chose qui sera une sorte de compromis - une autre ambiguïté - entre les préoccupations de Jean-Claude, celles de Marie-Éva et les vôtres.

On est engagé dans un cheminement qui devrait nous conduire à différentes sortes de dictionnaires destinés à différentes sortes d’utilisation.

Participant : La langue parlée par les jeunes est remplie d’abréviations. Ils vont à « l’éduc » ou rencontrer le « prof ». C’est le temps de la « récré » ou du cours de « maths ». Est-ce qu’il faut accepter cela?

Jean-Claude Corbeil : On est souvent mis en face de ce qu’on pourrait appeler la naissance des argots. Les enfants se donnent un argot scolaire. Les argots sont une espèce de création spontanée d’un milieu organisé qui veut marquer sa différence par rapport aux autres milieux. Les enfants des écoles se créent un argot qui leur sert de lieu d’identité en tant que groupe social particulier. D’une part, il n’y a rien à faire contre ce phénomène. Les mots d’argot naissent, vivent, meurent, se transforment. Les mots à la mode aujourd’hui ne le seront plus dans quatre ou cinq ans. Ils ont une vie relativement courte. Par contre, il n’est pas question d’utiliser ces mots dans les documents de l’école. Le professeur ne doit jamais utiliser cet argot dans sa langue. Il faut faire cohabiter constamment la forme abrégée avec la forme normale. Il y a une différence entre l’argot et la langue de l’école. Celle-ci ne peut pas être argotique. Autrement dit, il ne faut pas « faire simple », comme disent les enfants, et parler comme eux sous prétexte de les gagner. Ce n’est pas comme ça qu’on arrive à établir une bonne relation pédagogique avec les enfants. Plus on les singe, plus ils nous méprisent.

Le professeur doit continuer à parler normalement comme si de rien n’était, faire la sourde oreille, ne pas s’énerver et attendre que ça passe. Je prendrais ça comme politique. Vous observeriez exactement le même phénomène à Paris. C’est de là, par exemple, que nous sont venus « les profs », « les maths ». Ce sont des choses qu’on ne doit pas entériner en langue écrite soutenue. Il s’agit de maintenir les argots là où ils sont, dans la forme ludique de la langue. Car il y a une forme ludique de la langue. Pourquoi ne pas s’amuser là comme on s’amuse ailleurs?

Je pense à une de mes filles qui, adolescente, a tenté de me contrer en se mettant à parler le joual. Elle se disait : « Mon fichu de père qui est un linguiste va finir par se mettre en colère et on va s’amuser. » J’ai fait la sourde oreille, comme si je n’entendais rien. Ça n’a pas changé ma manière de parler. Au bout d’un certain temps, elle a fini par me dire : « Veux-tu bien me dire pourquoi tu ne réagis pas? » Je lui ai répondu : « Moi, je trouve que tu es en période d’apprentissage : tu es en train d’apprendre le joual. Je ne te l’ai pas enseigné; il faut bien que quelqu’un te l’enseigne; ça fait partie de ta compétence. Quand tu auras fini ton apprentissage, on verra où tu vas arriver. » Ça l’a désamorcée. Elle ne trouvait plus ça tellement drôle.

N’empêche qu’effectivement, j’étais convaincu qu’il fallait qu’elle apprenne ça. Ça fait partie de la compétence normale d’un locuteur québécois, ne serait-ce que pour faire des blagues, des effets linguistiques; ne serait-ce que pour bien comprendre ce que les gens sont en train de nous dire. Il ne s’agit pas de nier la langue québécoise la plus populaire ou la plus familière. Il s’agit de lui superposer quelque chose d’autre et de laisser aux gens le soin d’utiliser à bon escient ce qu’ils savent.

Si on prend les comptes rendus de l’Assemblée nationale, ce n’est pas toujours de la plus grande tenue linguistique. Ça permet aux hommes politiques de faire des effets stylistiques, de ne pas s’endormir dans leur fauteuil; ça les amuse. Ces temps-ci, on en entend des vertes et des pas mûres. C’est quand s’ouvre le débat sur le dossier linguistique que les insultes deviennent le plus populaires. Ce n’est pas quand on discute d’un règlement sur la circulation ou d’un emprunt que ce cher vocabulaire revient; c’est quand on parle de la langue.

Participant : La perception qu’on a du DQA est très émotive, il me semble. Le dictionnaire, traditionnellement et selon l’expression qui a été utilisée, est un modèle de langue. Le Larousse, le Robert et les autres, un peu comme la grammaire Grevisse, nous proposent une langue « idéale ». Ce qui fait qu’on peut proposer sans danger aux élèves des ouvrages qui éliminent le parler populaire ou qui le signalent assez bien.

Mais là, arrive un dictionnaire qui se veut le reflet de la langue. On ne sait trop comment réagir à cela. Un enseignant m’a dit : « Je suis content d’avoir ce dictionnaire-là dans ma classe. Je peux dire à mes élèves que la langue qu’ils utilisent est, pour une fois, présente dans un ouvrage sérieux. Je peux également leur montrer que ce qu’ils utilisent de telle manière, dans tel contexte, peut se dire autrement. »

Le problème, pour nous, c’est la manière d’utiliser un ouvrage comme celui-là dans nos classes. Nous ne sommes peut-être pas préparés ou prêts, en ce qui concerne la pédagogie du dictionnaire, pour pouvoir en tirer parti. Est-ce qu’il y a des suites à donner à cela?

Jean-Claude Corbeil : Concrètement, je suis certain que ce dictionnaire est un très bon instrument pour les professeurs. La description du français québécois qui est là-dedans est très bonne. Et c’est vrai que c’est consolant, d’une certaine manière, d’y trouver des éléments que nous connaissons, avec la définition. Mais c’est délicat de mettre cet instrument entre les mains des enfants et des adolescents comme instrument pédagogique. On ne sait trop quel usage ils vont en faire. L’un des problèmes que l’on a, c’est la perception qu’ont les utilisateurs - ici, les enfants - du dictionnaire comme étant une bible à bien penser et à bien parler. Quand on ouvre un dictionnaire et qu’on voit que tel mot est dedans, on se dit « c’est bon » et on s’arrête là.

Or, ce n’est jamais vrai, ni pour le Petit Robert, ni pour le Petit Larousse, ni pour aucun autre dictionnaire. Ce n’est pas parce que ce n’est pas dans le dictionnaire que ce n’est pas vrai et ce n’est pas parce que c’est dans le dictionnaire que ça l’est.

Les dictionnaires sont des instruments douteux; ils sont tous douteux. J’en ai fait un et je peux en parler très spontanément.

Le Petit Larousse, d’année en année, devient de moins en moins sûr. On s’était habitué au Petit Larousse relativement puriste, très soigné, ne renfermant pas de choses trop dommageables. Mais ce n’est plus vrai du tout. Depuis que les Français se sont mis à faire des anglicismes à tour de bras, on est en train de retrouver dans le Petit Larousse des mots que nous, on ne peut pas utiliser.

On commence donc à avoir un problème avec Larousse. Si ça continue comme c’est parti, il va falloir un jour redevenir critique à l’égard du Petit Larousse, parce que nous courons le danger de voir réintroduire dans notre langue des anglicismes que nous avions éliminés. Prenons des mots très simples comme « sponsor », « sponsoriser », à la place de « commanditaire » et de « commanditer ». Vous allez trouver ces mots utilisés sans aucune marque en France. Pour eux, ce sont des mots français normaux.

Les dictionnaires doivent donc être manipulés avec précaution. Ou bien les professeurs se lancent dans la pédagogie du dictionnaire et montrent aux enfants comment s’utilise un dictionnaire, et là vous avez du travail à faire.

C’est la thèse que soutient Jean-Claude Boulanger. Il vous dit : « Moi, je l’écris; vous, vous l’utilisez. » Vous, de votre côté, vous lui dites : « On aimerait bien ça avoir un instrument parfaitement sûr qu’on pourrait mettre entre les mains des enfants et qui allégerait notre tâche. » Ce n’est pas son métier. Où est la vérité dans cela? De quelle sorte de dictionnaire a-t-on besoin dans une classe? C’est une bonne question.

Participant : Au Québec, on est préoccupés par la question de la langue et grands consommateurs du dictionnaire. Il y a peu d’endroits où on renouvelle aussi souvent ses dictionnaires en quelques années. Du jour au lendemain, on se retrouve avec un travail intéressant, peut-être pas suffisamment mûri, qu’on a mis entre les mains d’un éditeur dont le service de marketing était puissant, avec pas mal de succès puisque la polémique qui entoure ce dictionnaire-là est excellente pour la vente.

Il faudrait amener l’éditeur à départager le point de vue du scientifique et celui du pédagogue. C’est un dictionnaire qui aurait dû être limité à un public de scientifiques et de linguistes. Ce qu’on demanderait, en tant que pédagogues, ce sont des modifications en ce qui concerne la typographie -en plus, bien sûr, des modifications proposées par Mme de Villers. Par exemple, mettre en relief, par une typographie ou une couleur différentes, les mots qu’on disait « à proscrire ». Ces mots pourraient rester, du point de vue scientifique, mais devraient être marqués autrement que par trois lettres en italique que l’enfant ne prend pas la peine d’analyser. Si ces mots étaient écrits avec une trame verte ou rouge, ou avec un caractère plus gros ou plus petit, on utiliserait là un moyen moderne et on ferait un dictionnaire utilitaire.

Jean-Claude Corbeil : Êtes-vous tous d’accord avec une opinion comme celle-là?

Participant : Je ne veux pas répondre à cette question, mais revenir à une association que vous avez faite. Vous dites que les dictionnaires sont des instruments douteux. Il y en a qui sont plus douteux que d’autres, il faut en convenir. Le problème de nos jeunes, quand on enseigne le français, c’est qu’ils n’ont pas la science du doute. Ils écrivent quelque chose et ils ne doutent même pas que ça peut ne pas être bon. S’ils n’ont pas la science du doute, comment voulez-vous qu’ils utilisent un outil qui est plus douteux que les autres? On a là un problème important.

Jean-Claude Corbeil : Je pense que l’essentiel de l’enseignement du français ou de la tâche de l’enseignement du français est dans ce que vous venez de dire. Les enfants, quand ils arrivent à l’école, n’ont pas besoin de douter. Ils ne doutent pas parce qu’ils connaissent très bien leur langue. Nous, en tant que professeurs, on sème le doute. On doit semer le doute tant et aussi longtemps qu’ils ne sont pas redevenus sûrs d’eux-mêmes - tout en restant prudents en maintenant cet esprit de doute qui est celui de l’adulte. Nous, comme adultes, on est sûrs, mais en même temps on doute et on vérifie. Il faut faire faire ce chemin-là aux enfants. Il faut les sortir de leur sécurité; leur donner une période d’insécurité et d’instabilité; leur donner les instruments leur permettant d’acquérir une nouvelle compétence et une nouvelle sécurité, en espérant qu’ils vont garder le sens du doute et de la qualité : ça va ensemble. Je crois que je viens de résumer l’enseignement du français.

Participant : Dans ce que vous avez dit, il y a des choses que je trouve très intéressantes et très pertinentes, mais il y en a que je trouve agaçantes. Lorsque vous avez parlé de prononciation, vous avez dit « Tel mot, on peut se permettre de le prononcer à la façon québécoise, il n’y a pas de problème. Mais ça, on ne peut pas : il y a faute. » Quelle est la norme qu’on peut invoquer? On pourrait en parler longuement et apprendre à développer notre esprit critique. On ne Ta pas fait suffisamment.

Je reviens également aux tics verbaux dont vous avez parlé. Pour moi, un tic verbal -« t’sé veux dire » ou autre chose de plus élégant - c’est toujours agaçant, surtout lorsqu’il est répété continuellement dans le discours. Mais j’en sais plus sur le tic verbal à éviter que sur les types de tics verbaux.

Le débat sur la norme n’est pas vidé et on devrait le tenir encore longtemps.

Jean-Claude Corbeil : Le problème, c’est qu’on ne sait pas trop comment s’y prendre pour décrire une norme. Par exemple, le DQA fait une tentative de description de la langue lexicale. Ça soulève un grand débat et probablement que ça va susciter un autre dictionnaire qui va proposer une autre norme lexicale; de fil en aiguille, on va arriver à quelque chose qui fait consensus. La norme du français québécois existe, j’en suis absolument certain. Nous en témoignons tous les jours quand nous parlons, puisque nous ne parlons pas n’importe comment. Les normes sont nombreuses; elles correspondent à des milieux ou à des couches de langage qu’on appelle souvent les niveaux de langue. On sait très bien comment parler correctement et spontanément quand on est à la plage; on sait très bien ce qu’on fait quand on va à une émission de télévision. Les normes sont nombreuses. Tout le problème, c’est de décrire la norme. Les linguistes ont beaucoup de renseignements, mais ils gardent ça dans leurs tiroirs; ils ne veulent pas se mêler de la question de la norme; ils disent que ce n’est pas leur rôle. Moi, j’estime que c’est leur rôle et là-dessus, on ne s’est jamais entendus. Ils disent que je suis interventionniste. Je ne suis pas interventionniste; je prends tout simplement mes responsabilités.

En tant que linguiste, il faut bien que je dise quelque chose à quelqu’un sur la norme du français. C’est censé être mon métier de faire ça. Je suis en tout cas celui qui est le mieux placé pour avoir des renseignements et pour avoir observé. Mais personne n’a eu le courage, à ce jour, de décrire dans un texte la norme du français standard d’ici. On l’a affirmé -ce fut l’une des premières positions de l’AQPF- un vieux texte qui date de je ne sais quelle année dans lequel on affirme la légitimité d’une norme du français standard. Une fois qu’on a fait ça, on était tellement content qu’on s’est arrêté là. Les facultés des sciences de l’éducation ont complètement démissionné et personne n’aborde le problème de la norme dans l’enseignement du français. C’est un tabou, aujourd’hui. On fait de la psychopédagogie en sciences de l’éducation et on renvoie la question linguistique aux linguistes. Or, les linguistes, eux, forment des linguistes, ce qui fait qu’il n’y a plus personne qui forme des professeurs de français. Où, en tant que professionnels, va-t-on discuter de cette question de la norme du français? Et qui? Et comment va-t-on se mettre d’accord sur la norme pédagogique? Car il se peut que la norme pédagogique ne soit pas identique à la norme sociale de la communauté. Je soutiendrais même cette thèse-là, étant donné qu’il y a une période légèrement artificielle qu’on doit faire vivre à des enfants à l’école et qui est en marge de la norme sociale de la vie, de la vie quotidienne et de la vie des adultes.

Il y a probablement une norme pédagogique qui est beaucoup plus serrée, beaucoup plus normative, beaucoup plus exigeante que la norme sociale des adultes, pour la raison qu’on a affaire à des gens en période de formation. Et quand on est en période de formation, il faut être plus catholique que le pape. Autrement, on ne forme pas. On régresse toujours, un jour, et si on régresse à partir de la médiocrité, où est-ce qu’on s’en va?

Participant : À propos de l’usage que l’on fait des dictionnaires, de leur statut et de celui des ouvrages savants, on disait qu’il faut amener les jeunes à douter. Mais l’adulte ne veut pas douter quand il consulte un ouvrage de référence. Il accepte difficilement que deux ouvrages dits « scientifiques » se contredisent ou donnent des points de vue différents sur des questions aussi simples que l’orthographe d’un mot, le genre d’un nom, etc. Il y a une approche qui consiste à dire que l’ouvrage de référence est un outil parmi d’autres et qu’il ne faut pas lui accorder un statut de vérité éternelle, mais c’est une approche qui répugne aux adultes qui veulent des certitudes.

Jean-Claude Corbeil : Vous savez très bien que c’est comme ça chez les professeurs. La raison, c’est qu’ils n’ont pas acquis une formation professionnelle qui leur permettrait d’être autonomes du point de vue de la science qu’ils enseignent. Je suis très dur pour les professeurs de français non pas parce que je les prends à parti, mais simplement parce que j’estime qu’on les a trahis quelque part. On ne leur a pas donné la science dont ils avaient besoin pour être sûrs dans l’exercice de leur métier. Que voulez-vous qu’ils fassent? S’ils se mettent à douter, ils sont perdus parce qu’ils n’ont pas la capacité de sortir du doute. Ils exigent donc des éléments de référence qui puissent les sécuriser et régler le problème de la compétence pour eux.

Je connais une jeune fille qui sort d’une maîtrise en sciences de l’éducation comme spécialiste de l’enseignement du français langue maternelle. Elle n’a jamais eu un cours - un début de cours! - sur la langue qu’elle doit enseigner. Elle n’est même pas capable de m’expliquer correctement la règle de l’accord des verbes pronominaux parce qu’elle s’y perd royalement. Qu’est-ce qu’elle va faire en classe? Est-ce que c’est elle qui est responsable? Jamais de la vie! C’est une fille intelligente qui réussit aussi bien que n’importe qui. Ce n’est pas elle qui est en cause. C’est le système. Il y a quelque chose qui ne va pas :

On est bon professeur quand on ne se pose pas de questions de contenu. Quand on n’a pas de problèmes de contenu, on peut s’amuser en classe, faire des pirouettes.

Quand j’ai commencé à enseigner, j’étais tellement nerveux et inquiet par rapport à ce que je devais enseigner que j’étais paralysé. Je me suis dit : « Il faut que je règle ça; ça n’a pas d’allure; je suis complètement ignorant! » Je suis retourné à l’école et je me suis dit : « Il faut que je sois très bon en linguistique et en grammaire parce que si je ne fais pas ça, ils vont m’avoir. »

Participant : Le problème, c’est l’importance réelle donnée au français au Québec. Quand on sait que c’est la mathématique qui permet de sélectionner des gens dans des domaines où on n’en a absolument pas besoin, comment pense-t-on mettre dans la tête des jeunes que c’est important le français? Comment voulez-vous que les jeunes nous prennent au sérieux quand, entre le discours et ce qui se passe dans la réalité, il y a une différence si énorme?

Jean-Claude Corbeil : Je suis parfaitement d’accord avec vous. C’est pour ça que j’aime beaucoup -malgré que ce soit d’une injustice flagrante- les exigences à l’entrée des universités. J’aime ça parce que ça va exercer des pressions qui vont redescendre. Autrement dit, je suis content parce qu’il faut que ça bloque quelque part. Là, ça vient de bloquer. Les étudiants crient au meurtre; ils crient justice et ils ont raison : c’est une injustice. Mais il faut la maintenir; la maintenir tant et aussi longtemps que ça ne sera plus nécessaire qu’on passe un examen de français pour entrer à l’université. Ce jour-là, il n’y aura plus d’injustice pour qui que ce soit. Je suis content que ça existe, que ça crée un scandale et que tout le monde en discute. Ça va mettre du plomb dans la tête des élèves. Ils vont savoir que s’ils veulent vraiment et sérieusement aller aux études, il va falloir qu’ils sachent le français. Ça, c’est une bonne affaire.

À HEC, par exemple, on a exigé la maîtrise du français comme condition sine qua non d’obtention d’un diplôme. Ça a l’air extraordinaire. On dit « Félicitations; comme vous êtes intelligents! » Mais ce n’est pas eux qui ont décidé ça; c’est l’employeur. L’employeur qui a dit : « Si vous n’êtes pas capables de nous envoyer des gestionnaires autres que des gens incapables d’écrire une note de service sans faire dix fautes et qui comptent sur les secrétaires pour les corriger, nous, on ne veut plus les engager. » On s’est réuni au sommet et on s’est dit : « Il faut faire quelque chose; l’employeur n’est pas content. » C’est tout de même un paradoxe : maintenant, ce sont les employeurs qui vont dire ce qu’il faut faire!...

Référence bibliographique

Corbeil, Jean-Claude, « Le français au Québec, une langue à restaurer? », Vie pédagogique, no 86, novembre-décembre 1993 [1992], p. 27-33. [article]