Langue et société. Étude préalable à la création d’un centre international de recherche et d’étude en linguistique fondamentale et appliquée

Jean-Claude Corbeil

Avant-propos

Les problèmes de langues, et donc de cultures, s’inscrivent aujourd’hui au tout premier plan des interrogations sur l’évolution de l’homme et de la société, dans ce qu’ils ont de plus précieux, de plus intime et, parfois, de plus fragile. À l’heure où il n’est question, un peu partout, en des termes pressants (qui ont parfois l’accent d’un remords) que de la définition et de la mise en place d’un nouvel ordre international fondé sur l’équité, au moins relative, il importe de reconnaître que ce nouvel ordre éventuel ne saurait avoir de sens ni porter les fruits attendus s’il ne procède pas d’abord du souci fondamental du salut des langues et des cultures, et de justes et féconds rapports entre elles.

C’est dans cette perspective que la décision de principe de la Conférence générale de l’Agence, réunie à Abidjan en décembre 1977, en vue de la création d’un Centre international de recherche en linguistique (fondamentale et appliquée) prend toute sa signification. Et c’est pour cette raison que l’AUPELE a accepté avec empressement le mandat que lut a confié l’Agence de réaliser une étude au sujet de cet éventuel Centre : son opportunité, ses objectifs, ses domaines d’intervention, ses structures.

Il est apparu très tôt (comme on pouvait d’ailleurs le pressentir) que la question de l’enseignement des langues étrangères ou des langues autres que maternelles ne constituait, si importante soit-elle, qu’un élément d’un problème infiniment plus vaste, plus complexe et, à nombre d’égards, plus préoccupant, qui est celui du rapport fondamental de l’homme d’aujourd’hui par rapport à sa propre langue, donc à sa culture et à sa société, des rapports entre la langue maternelle et les autres et en particulier les langues de communication internationale, des conditions enfin que requiert un véritable dialogue des cultures, de toutes les cultures. On est conduit par là à s’interroger sur le sens et les moyens de « l’aménagement linguistique », qui, sous des formes diverses, explicitement ou implicitement, s’imposera à la plupart des pays.

Mais encore est-il apparu de façon non moins éloquente que les mesures prises ou les orientations adoptées à ce jour, en matière notamment d’enseignement des langues autres que maternelles, ont rarement été fondées sur les conclusions d’une recherche approfondie prenant en compte les facteurs culturels, sociaux et psychologiques au moins autant que des considérations pragmatiques et menée par des équipes multidisciplinaires de haut niveau. C’est cette redoutable lacune, qu’entre autres services rendus, que pourrait aider à combler un Centre international de recherche en linguistique.

Certes, les situations varient singulièrement entre les pays membres de l’Agence et les régions auxquelles ils appartiennent, pour des raisons évidentes d’ordre historique, géographique, socioculturel, économique et technique. Mais un certain nombre de problèmes fondamentaux s’y posent pour l’essentiel dans les mêmes termes ou dans des termes relativement voisins. D’autre part, dans plusieurs de ces pays, existent des institutions (centres ou instituts de linguistique appliquée) généralement universitaires, et des organismes, publics ou parapublics, disposant d’excellentes équipes de chercheurs, entre lesquels il importe d’organiser une concertation et une collaboration, pour l’heure assez rares ou assez minces; de même, apparaît-il nécessaire de faciliter la circulation de l’information entre les divers centres ainsi que la diffusion à l’échelle internationale des travaux des chercheurs concernés.

Les pays membres de l’Agence (comme la plupart des autres, au reste, à travers le monde) doivent faire face au problème majeur et pressant de « l’aménagement linguistique». Ils disposent d’un certain nombre de moyens : des institutions souvent solides, toujours dynamiques, des chercheurs relativement nombreux. Ce qui manque, c’est un grand dessein commun et le moyen de le réaliser, savoir une institution internationale à la disposition de notre communauté, institution qui ne doit surtout pas être une superstructure lourde et coûteuse mais un instrument souple et efficace voué à l’information, à la coordination et à une action de recherche orientée essentiellement vers quelques priorités.

Il nous apparaît être de la vocation de l’Agence (et compatible avec ses moyens) de susciter pareil organisme scientifique international; il nous semble qu’elle pourrait s’y employer avec le concours de l’AUPELF, l’éventuel Centre devant naturellement faire appel, principalement, à des institutions et à des équipes universitaires. Leur association pourrait se révéler en l’occurrence particulièrement fructueuse, étant entendu par ailleurs que le futur Centre devrait bénéficier, pour sa crédibilité et son efficacité, d’une large autonomie.

Le Secrétariat de l’AUPELF (qui tient d remercier particulièrement l’auteur de cette étude, M. Jean-Claude Corbeil, de l’Office de la langue française du Québec) a été heureux d’avoir pu mener cette étude pour le compte de l’Agence. Il y a trouvé pour sa part l’occasion de renforcer encore sa propre conviction quant au caractère prioritaire des problèmes relatifs à l’évolution des langues et aux rapports entre les langues.

Le Secrétariat de l’AUPELF

Chapitre 1 – Introduction

Origine de l’étude

Lors de la cinquième session de la conférence générale de l’Agence de coopération culturelle et technique (Abidjan, décembre 1977), la délégation Canada-Québec a proposé la création d’un Centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée (CIRELFA). L’activité de ce Centre, selon la proposition, serait orientée en priorité vers les recherches propres à mieux fonder les politiques des États membres en matière d’éducation. Elle incluerait également toute recherche liée à l’aménagement linguistique des États, notamment en ce qui a trait aux phénomènes provoqués par la diversité linguistique et le contact des langues, à la linguistique descriptive, à la lexicologie et à la terminologie.

La conférence a retenu le principe de la création d’un tel centre, mais, avant de se prononcer sur le fond, a demandé une étude approfondie de ce projet (opportunité, objectifs, nature et structure de l’organisme, mode de mise en place), étude qu’elle souhaitait voir confiée a l’AUPELF. En conséquence, une entente est intervenue entre l’Agence et l’AUPELF, au mois de février 1978, selon laquelle celle-ci s’engageait à remettre à celle-là l’étude précitée avant la réunion suivante du Conseil d’administration de l’Agence.

Méthode de travail

L’étude exigeant que l’on tienne compte à la fois des ressemblances et des différences entre les situations linguistiques des États membres, que l’on identifie les problèmes communs qui en découlent et ce, afin de déterminer l’opportunité et la vocation d’un centre international de recherche, il est apparu nécessaire d’aller recueillir l’information dans les pays concernés.

L’enquête a été restreinte aux pays où la langue française est présente, d’une manière ou d’une autre. En fait, ces pays sont membres de l’Agence ou leurs universités font partie de l’AUPELF. Nous notons qu’il y aurait eu grand intérêt à prendre contact avec d’autres communautés linguistiques, particulièrement celle de langue anglaise, mais nous laissons au Centre, s’il est créé, le soin d’entrer en contact avec ces communautés et les organismes qui y travaillent.

Comme le temps et les moyens dont nous disposions ne nous permettaient pas de visiter tous les pays, nous avons fait un choix selon les critères suivants :

Les pays retenus sont :

Le calendrier des missions d’information dans ces pays est présenté à l’annexe 1.

Mode de réalisation

Dans chaque pays visité, nous avons rencontré des personnes sensibilisées aux questions linguistiques et s’y intéressant de manières diverses mais complémentaires :

Nous avons donc interrogé quatre-vingts informateurs, dont on trouve les nom et qualité aux annexes 2 et A.

Pour mieux profiter de ces rencontres, nous avions proposé à l’avance un protocole d’entrevue, reproduit à l’annexe 3.

Par ailleurs, à l’occasion de notre passage, nous avons participé, dans la plupart des pays, à des réunions pléniéres de spécialistes qui nous ont permis d’augmenter et de compléter l’information recueillie à l’occasion des conversations privées.

Enfin, à la suite de ces missions, nous avons soumis nos réflexions et conclusions préliminaires quant à l’opportunité, la vocation et la structure de l’éventuel CIRELFA à un groupe très restreint de spécialistes, choisis pour leur grande compétence, représentatifs des zones géographiques concernées par le projet et y jouant déjà un rôle important. La composition de ce groupe paraît à l’annexe 4.

À la suite de quoi, nous avons procédé à la rédaction du présent rapport selon le plan suivant : problématique de la question (chapitres II, III et IV), opportunité de la création du CIRELFA (chapitre V), vocation de l’organisme (chapitre VI), secteurs d’activité prioritaires (chapitre VII), nature et structure de l’organisme (chapitre VIII), recommandations finales (chapitre IX). Suivent les annexes.

Au cours du rapport, le sigle CIRELFA sera utilisé pour plus de commodité, puisqu’il a déjà été introduit par la proposition québécoise, sans pour cela préjuger de la décision des membres de l’Agence.

Définitions retenues par les experts de l’UNESCO à Paris (15 novembre-5 décembre 1951) et Jos, Nigeria (novembre 1952)
langue maternelle : langue qu’une personne acquiert au cours de ses premières années et qui devient normalement son instrument naturel de pensée et d’expression.
langue nationale : langue d’une entité politique, sociale et culturelle.
langue officielle : langue utilisée dans le cadre des activités officielles : pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.
langue régionale : langue qu’utilisent, pour communiquer les unes avec les autres, des populations qui habitent une certaine région et dont les langues maternelles sont différentes.
langue seconde ou non maternelle : langue qu’une personne acquiert en sus de sa langue maternelle.

Chapitre 2 – la langue dans le monde contemporain

Fait socioculturel dominant, expression par excellence de la culture et de l’identité d’un peuple, la langue est devenue depuis quelques décennies objet de recherches scientifiques et, depuis une époque plus récente, elle tend à être un champ d’intervention du pouvoir étatique, sous deux aspects principaux : l’adaptation de la langue aux fonctions multiples et nouvelles de la vie contemporaine; les rapports de la langue — ou des langues — nationale avec les langues étrangères, en particulier avec quelques langues de diffusion internationale. Dans un monde dominé par un développement accéléré des relations internationales de tous ordres et par l’essor foudroyant des moyens de communication à l’échelle de la région, du continent, du monde, il n’est plus possible de s’en remettre au jeu traditionnel des automatismes sociaux pour assurer le salut et la vitalité de la langue maternelle ni de laisser se développer de façon empirique ou désordonnée l’enseignement de langues étrangères, au risque de payer d’un lourd tribut, sur les plans culturel et spirituel, d’apparents et parfois fragiles avantages à court terme.

Influence des nouveaux moyens de communication

On ne saurait ignorer non plus les profondes transformations qu’entraîne dans la psychologie, voire la sensibilité des nouvelles générations, l’introduction massive des moyens audiovisuels, qui représente pour la société entière une révolution non seulement technique mais pédagogique et sociale dont on n’a pas fini, il s’en faut, de mesurer toutes les conséquences. Bientôt, la portée de cette innovation va prendre de nouvelles et redoutables dimensions avec la possibilité prochaine de diffusion directe dans les foyers de chaque pays des émissions de télévision et de radiodiffusion d’autres pays, de même qu’avec le proche avènement de la «télématique» — pour reprendre un récent néologisme — où non seulement quelques grands États, mais aussi quelques puissantes multinationales, seront en mesure de gérer la circulation de l’information à travers le monde.

Par ailleurs, le progrès constant des moyens de déplacement, autant des idées et des œuvres que des hommes et des produits, sous l’angle de la rapidité comme sous celui de la quantité; la multiplication des obligations de voyager ou des incitations au voyage; l’augmentation du tourisme de masse qui, à cet égard comme à nombre d’autres, charrie le meilleur et le pire; tout ceci a provoqué un essor extraordinaire des contacts entre les hommes, les groupes, les peuples et, parallèlement, des contacts entre les langues.

Bref, on serait tenté, à certains moments, de considérer le monde entier comme une sorte d’immense village planétaire, mais cet apparent rapetissement ne saurait voiler la diversité, heureuse et féconde mais souvent menacée, des idiomes, des traditions, des mœurs, des idéologies, des croyances. Il en résulte pour chaque langue, à des degrés divers, une situation inédite à la fois quant à sa propre évolution et quant à ses rapports avec les autres langues. Tous les pays, même ceux officiellement unilingues, sont aux prises, peu ou prou, avec des ^problèmes d’ordre linguistique, quels que soient leur niveau de développement et le nombre de leur population. A fortiori, ces problèmes sont-ils plus considérables, plus difficiles, parfois plus délicats, dans le cas de pays multilingues ou encore de pays qui sont amenés, pour diverses raisons, à faire largement usage d’une langue autre que proprement nationale.

Évolution des langues

L’évolution, l’avenir des langues, de toutes les langues (si modestes soient-elles apparemment par le nombre de leurs locuteurs) est un fait majeur de civilisation, qui doit retenir aujourd’hui au premier chef l’attention de tous les gouvernements comme de toutes les organisations internationales à vocation scientifique et culturelle. Et s’il est vrai que les langues sont périssables, comme Valéry le disait des civilisations, il n’empêche que chacune d’entre elles représente une valeur éminente, qu’il faut s’efforcer de préserver dans l’intérêt de l’humanisme mondial. Cela suppose un effort d’imagination, de rigueur, de volonté; cela implique la collaboration des universitaires, des techniciens et des politiques, le concours de la recherche, qui fournit les éléments scientifiques de la décision, et du pouvoir, qui définit une politique en tenant compte aussi des éléments d’ordre psychologique et social et des raisons d’opportunité, qu’il est seul à même d’apprécier.

Si on a pu jadis distinguer entre les civilisations de l’écrit et celles de l’oralité, l’évolution récente tendrait à annoncer l’avènement à l’échelle universelle d’une sorte de revanche de l’oralité, par le biais de l’audiovisuel. Ce qui n’est pas sans conséquence sur les conditions d’apprentissage des langues maternelles comme étrangères, ainsi que sur la profondeur de l’imprégnation du message culturel et de la représentation du monde que véhicule une langue. Et cela va beaucoup plus loin et met en cause les facultés de réflexion, de concentration, d’approfondissement : à preuve, la constatation quasi universelle (particulièrement éloquente en Occident) de la régression dans la maîtrise de la langue écrite, et même dans la richesse et la précision du vocabulaire. Il serait préoccupant, et il pourrait devenir dangereux, que l’acquisition, plus ou moins poussée, d’une ou de langues étrangères allât de pair avec l’affaiblissement de la connaissance de la langue maternelle, qui est pour chacun condition première de l’enracinement et de l’identification, donc condition d’équilibre. C’est pourquoi, une politique de l’enseignement des langues doit certes procéder d’abord de la recherche fondamentale et appliquée, mais doit se fonder aussi sur l’état de l’enseignement de la langue maternelle ou, selon les lieux et les circonstances, de la ou des langues nationales.

Acquisition des langues

Du fait même qu’elle est la plus importante des réalités socioculturelles, parce qu’elle est à la fois moyen d’expression, moyen de communication, instrument d’acquisition des connaissances et d’accès au monde, la langue enregistre et subit avec une intensité particulière, en même temps d’ailleurs qu’elle les diffuse, les transformations de tous ordres que le monde contemporain connaît. De toutes ces transformations, les plus significatives du point de vue linguistique sont celles qui, en facilitant et en développant avec une ampleur sans précédent la circulation des hommes et la circulation de la parole, ont provoqué des contacts intenses et continus entre les langues, conférant par là même une dimension et une urgence nouvelle au problème de l’apprentissage des langues étrangères, mais suscitant aussi des questions précises et pressantes quant à l’acquisition, à l’évolution, à l’adaptation de la langue maternelle. Hier, cette acquisition allait de soi, se faisait spontanément et profondément, dans le cadre de la famille puis du village ou du quartier, avec le prolongement de l’école : seuls des petits groupes d’individus étaient appelés à entrer ultérieurement en contact avec d’autres langues ou ressentaient la nécessité d’apprendre d’autres langues, cette acquisition intervenant d’ailleurs à un âge et dans des conditions tels, qu’en règle générale elle ne pouvait mettre en cause l’acquis culturel d’origine.

Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, ce le sera de moins en moins. L’école et les moyens audiovisuels jouent dans l’acquisition de la langue un rôle au moins aussi important et parfois plus important que la famille; d’autre part, le contact avec les langues étrangères concerne un pourcentage grandissant de citoyens, les concerne de plus en plus tôt et le désir ou le besoin d’acquérir, fut-ce sommairement, une ou des langues étrangères, tend à se généraliser. Aussi, le problème de l’enseignement des langues étrangères est-il devenu, dans tous les pays, un élément important et parfois un élément majeur de la politique globale de l’enseignement, d’où la nécessité de fonder les décisions en la matière sur des critères scientifiques.

Les critères scientifiques ne sont pas les seuls à partir desquels doit s’élaborer cette politique, mais ils sont indispensables, comme d’autres critères, également justifiés, qui tiennent eux à l’histoire et à la conjoncture propres à chaque peuple et à chaque période de son évolution.

Bref, deux constatations fondamentales nous semblent devoir guider toute réflexion sur l’enseignement des langues :

En fait, la plupart des États ont une politique en la matière, explicite souvent mais souvent aussi implicite : en réalité, surtout s’agissant de l’enseignement des langues étrangères, les choix ont été rarement précédés d’une recherche approfondie, de caractère scientifique. Les positions ou convictions de tel ministre, de tel groupe de hauts fonctionnaires, de telle école ou de tel courant pédagogique, la mode aussi et parfois l’influence de tel secteur de l’opinion publique, ont été la plupart du temps à l’origine des décisions, notamment en ce qui a trait a l’âge où doit commencer l’enseignement des langues étrangères, a l’intensité de cet enseignement, aux méthodes à utiliser, etc. Dans un domaine d’une pareille importance, qui met en cause non seulement l’acquisition d’autres langues et l’initiation à d’autres civilisations, mais aussi la place et le rayonnement de la langue maternelle, il paraîtrait singulier que l’on continuât à fonder des choix et à mettre en œuvre des politiques en fonction de facteurs aussi éphémères et discutables que ceux qui ont été évoqués plus haut. Aussi, dans chaque pays d’abord et sans doute aussi sur le plan international, importe-t-il de créer ou de développer et d’améliorer des instruments permanents de recherche fondamentale et appliquée. C’est la conviction intime sur laquelle repose le présent rapport et qui reflète celle que l’auteur a pu observer chez la plupart de ses interlocuteurs, au cours de ses missions.

Langue et développement

Aux fonctions traditionnelles et fondamentales de la langue s’en ajoute une autre aujourd’hui, celle d’être moteur de développement. Elle est, en effet, tout aussi bien un moyen de promotion intellectuelle et sociale pour l’individu que de progrès économique, culturel et technique pour la collectivité. Cela suppose un effort constant dans l’amélioration ou le renouvellement des méthodes pédagogiques, de façon à favoriser la pleine maîtrise par chacun de sa langue propre; cela suppose aussi l’adaptation de la langue à l’évolution du monde, son aptitude à rendre compte des transformations, à exprimer parfaitement les nouvelles réalités, techniques et scientifiques en particulier, donc son pouvoir de créativité. De même en va-t-il dans les méthodes mises au point pour l’apprentissage des langues étrangères, envisagées aussi sous l’angle de leur contribution au développement.

Ce n’est pas le lieu de rappeler longuement que le développement d’un pays est d’abord fonction de la qualité de ses citoyens et notamment de leur niveau d’éducation et de formation technique. Or, des plus simples aux plus complexes, les notions et les connaissances de toutes sortes, comme les mécanismes intellectuels de base, s’acquièrent par la langue : mieux celle-ci est connue, possédée, maniée, plus elle servira au développement de l’individu et de la communauté. L’apprentissage d’une ou de plusieurs langues étrangères par l’ensemble ou par une grande partie des adolescents doit répondre au même souci : assurer à la collectivité un instrument de plus dans le combat permanent pour le développement et à l’individu, une chance supplémentaire à la fois de contribution à l’avancement de son milieu et de promotion personnelle.

La qualité de l’enseignement, tant de la langue maternelle que des langues étrangères, doit en conséquence être l’un des premiers soucis des pouvoirs publics dès lors qu’ils ont conscience du rapport obligé entre langue et développement. Il est utile de noter que, s’agissant de la langue maternelle ou de la langue nationale, tous les enseignants sont en quelque sorte des professeurs de langue et que leur responsabilité est particulièrement grande dans les disciplines scientifiques et techniques. Dans le cas des langues étrangères, la « formation des formateurs » revêt autant d’importance que la mise au point de la pédagogie de ces langues.

On n’affirmera jamais assez, on ne sera jamais assez conscient du rapport nécessaire entre développement et langue : la langue est le moyen du développement; le développement doit entraîner la langue dans son mouvement vers l’avenir, sans quoi la langue dépérira, s’étiolera et mourra; le développement implique, en soi, une stratégie linguistique, implicite ou explicite, parce qu’il repose entièrement sur l’efficacité de la communication.

Langue et information

Instrument-clé du développement et du progrès, la langue est aussi la condition d’accès à l’information dont on sait l’importance qu’elle représente dans le monde actuel. Il ne s’agit évidemment pas ici uniquement de l’information entendue au sens de connaissance de l’actualité, de l’événement (si utile et, parfois, importante que soit cette connaissance), mais de l’ensemble des données relatives aux disciplines les plus diverses, données en voie d’accroissement et de changement constants, qui s’expriment dans des quantités colossales de publications de toutes sortes, avant d’être codifiées et stockées dans des « banques de données ». Chaque langue a, en principe, vocation à véhiculer au moins une certaine part de cette information. Cependant pour des raisons historiques parfaitement connues, quelques langues seulement en véhiculent la plus grande partie, dans l’état présent des choses.

Aujourd’hui déjà, et plus encore demain, les chercheurs et enseignants d’une part, les cadres supérieurs de l’entreprise et de l’administration, et les responsables politiques d’autre part, auront besoin d’un accès constant et rapide à la part de l’information mondiale qui concerne leur secteur d’activité. Cela supposera qu’ils aient une bonne connaissance d’une ou de deux langues étrangères par lesquelles transite aujourd’hui une part importante de l’information : pour quelques-uns, appelés à être en rapports suivis avec l’étranger, il s’agira de maîtriser parfaitement une ou des langues étrangères; pour la majorité, il suffira de pouvoir lire aisément des documents de toutes sortes en ces langues. D’où l’importance des conceptions nouvelles de l’enseignement fonctionnel des langues étrangères ou des langues dites de « spécialités ».

Au fur et à mesure que se multiplient, sur le plan national, régional ou international, les banques de données, que se construisent les vastes réseaux régionaux puis intercontinentaux d’information (agriculture, énergies, sciences de l’éducation, sciences du sol, sciences de la santé, terminologie, etc.) se manifestera avec plus d’acuité la liaison langue-information. Mais apparaîtra en même temps le risque de la domination de trois ou quatre langues, voire à terme d’une seule, ce qui va poser de graves problèmes pour l’avenir, la vitalité, le rayonnement de la plupart des langues, dont le salut tiendra à leur possibilité de renouvellement et d’adaptation à l’époque. Il y a là aussi un objet primordial de réflexion, voire de méditation, pour les élites de tous les pays; il y a là un champ immense et pressant ouvert à la recherche linguistique.

Langue et dialogue des cultures

Au-delà de son aspect externe d’instrument de communication et d’échanges, une langue exprime une certaine représentation du monde, une démarche psychologique, une hiérarchie implicite des valeurs : de ce fait, elle est par excellence expression d’une culture en même temps qu’elle est support de cette culture. Il en résulte qu’apprendre une langue donnée, c’est aussi, pour une part au moins, s’initier, fut-ce sommairement, à la culture qu’exprime cette langue, au système de valeurs et à la conception du monde qu’elle véhicule.

On peut certes imaginer l’enseignement d’une langue de façon strictement technique, dans l’unique but d’en acquérir la syntaxe de base et l’essentiel du vocabulaire. C’est d’ailleurs ce que tentent de pratiquer les formules d’enseignement dit « accéléré », d’enseignement facile ou « sans peine », ou encore, plus récemment, les techniques dites d’immersion. Mais lors même qu’un enseignement se résume ainsi à l’acquisition superficielle de la langue concernée en l’envisageant uniquement comme outil de communication, il traduit quand même, et presque malgré lui, une part du message culturel. A fortiori, dès que l’enseignement d’une langue a un autre objectif que de permettre une communication superficielle avec les locuteurs de cette langue ou de faciliter sur un plan utilitaire l’accès à l’information dans cette langue, il ouvre nécessairement sur l’initiation à la culture et au milieu d’où procède cette langue. Les véritables contacts de langues sont nécessairement aussi des contacts de cultures. Parfois, les contacts deviennent, plus ou moins ouvertement, des chocs de langues , donc aussi des chocs de culture.

Aujourd’hui, et il en ira forcément de plus en plus ainsi, par l’action conjuguée de la radiodiffusion et de la télévision, du commerce international, du cinéma, des congrès et conférences de toutes sortes, du tourisme de masse, le contact des langues et donc des cultures est un phénomène qui rejoint et concerne la majorité des citoyens dans tous les pays, demain la quasi-totalité d’entre eux, même si, en fait, ils n’ont pas l’occasion, la possibilité ou le désir de s’initier à d’autres langues ou s’ils n’en ont pas un réel besoin. Ce phénomène, capital, soulève plusieurs questions, dont la principale tient sans doute au degré de réciprocité dans les échanges; Y a-t-il vraiment dialogue? L’énorme disproportion des moyens de diffusion, de circulation, de rayonnement, entre les langues et dès lors entre les cultures, risque, par un cruel paradoxe, non seulement d’interdire un véritable dialogue, alors que pour la première fois dans l’histoire du monde se trouvent réunies des conditions techniques qui peuvent le permettre, mais à terme, de provoquer l’étiolement sinon la folklorisation de la plupart des langues et de conduire, par là même, à un appauvrissement radical et peut-être irrémédiable de l’humanité.

Là aussi, une action, ou une réaction, est à entreprendre en profondeur, qui appelle d’abord l’effort de multiples équipes de chercheurs sur les formes diverses des relations et des échanges entre les langues et sur les conditions requises pour un véritable dialogue des cultures, mais surtout la définition de politiques linguistiques nationales qui assure à la fois l’identité nationale et l’ouverture sereine aux autres. Cet effort, à son tour, doit s’inscrire dans la quête difficile de ce nouvel ordre international, devenu l’un des thèmes majeurs des préoccupations non seulement des gouvernements et des organisations internationales, mais de tous les hommes soucieux de l’avenir de l’Homme.

* * *

Au total, on est conduit à reconnaître que le problème de l’enseignement des langues (la langue maternelle aussi bien que les langues étrangères) est aujourd’hui l’un des problèmes-clés de nos sociétés et l’une des interrogations capitales pour l’avenir de nos civilisations. Cet enseignement se pose en des termes radicalement différents et infiniment plus complexes qu’il en allait hier et il concerne désormais la majorité des citoyens de nos États, et en particulier la masse des adolescents. Sous l’angle de l’épanouissement personnel comme sous ceux du développement, de l’information, des relations internationales et du dialogue des cultures, le contenu, la pédagogie, le moment, la durée, le rythme et les conditions ainsi que les moyens de l’enseignement des langues soulèvent des questions de fond qu’il convient d’examiner à la fois dans le cadre national et dans le cadre international. Cela suppose la recherche fondamentale et appliquée, une recherche nécessairement multidisciplinaire, associant aux linguistes, des psychologues, des pédagogues, des historiens, des sociologues, et aussi des économistes, des mathématiciens, des statisticiens.

Il faut d’un même mouvement d’une part assurer la parfaite maîtrise de la langue nationale avec l’enracinement dans la culture qui la sous-tend, de même que l’élan créateur et l’adaptation de cette langue; d’autre part, favoriser un enseignement efficace et diversifié de langues étrangères, qui soit en même temps ouverture à d’autres cultures; il faut enfin contribuer à susciter les conditions d’un dialogue des cultures fondé sur la réciprocité.

Chapitre 3 – Typologie des problèmes linguistiques

Tous les États concernés pan notre enquête se trouvent confrontés avec des problèmes linguistiques. Les missions d’information (voir annexe. 3) nous ont permis de nous rendre compte que ces problèmes sont à la fois spécifiques et, dans une centaine mesure, communs aux pays visités.

La spécificité des problèmes vient du nombre de langues en présence sur le territoire, du rayonnement national et international de ces langues, du nombre de locuteurs de chacune mis en relation avec leur influence sociale, du rôle que remplit chaque langue dans l’organisation sociale, de l’aptitude qu’elles ont à exprimer le monde contemporain sous tous ses aspects, enfin de la manière dont se présente et se résoud la question des communications internationales. Seule, une analyse détaillée de la situation linguistique de chaque pays permettrait de faire apparaître les traits qui la caractérisent, ce qui est de la responsabilité de chaque État. Deux exemples d’analyses semblables existent et peuvent servir de sources d’inspiration : la première, commandée par le Gouvernement du Canada pour examiner la question du bilinguisme en ce pays, désignée sous le titre « Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme », dite Commission Laurendeau-Dunton, du nom de ses co-présidents; la seconde, demandée par le Gouvernement du Québec pour examiner le statut du français, la Commission d’enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec, dite Commission Gendron. Ces enquêtes montrent le grand avantage qu’il y à à procéder ainsi, surtout quant au fait de dégager un certain consensus sur les objectifs à atteindre.

Dans l’esprit de ce rapport, nous nous sommes surtout préoccupés de saisir les éléments communs à la problématique linguistique de pays fort différents de par leur histoire, leur niveau de développement, leur culture et leur environnement. Ces éléments ne se manifestent pas partout et ne présentent pas la même acuité. Mais on peut affirmer qu’ils sont une préoccupation majeure des dirigeants politiques et de tous ceux (linguistes, pédagogues, hommes d’affaires, fonctionnaires), qui sont impliqués dans la vie des collectivités. Nous en esquisserons la description et dégagerons les principaux thèmes de recherche qui en découlent.

La diversité sociolinguistique

À l’intérieur de chaque langue, indépendamment du fait qu’elle soit la seule langue du pays ou en relation avec d’autres, on observe des formes de diversité, qu’on qualifiera de sociolinguistique : chaque personne, surtout chaque groupe de personnes, ne parle pas la même langue de la même manière. On peut ramener à trois les sources de cette diversité.

Première source : la division de la population en groupes et sous-groupes socio-économiques (la stratification sociale). Sur le plan linguistique, ceci se manifeste par ce qu’il est convenu d’appeler les niveaux de langue, c’est-à-dire l’éventail des manières de parler la langue, depuis le style argotique jusqu’à la langue soutenue des circonstances officielles. Le problème qui en découle est celui du choix du niveau de langue qui sera utilisé dans les communications institutionnalisées : langue de l’enseignement et langue enseignée, langue de l’État (lois, règlements, décrets, directives, publications d’information, formules, etc.), langue des médias, langue de la publicité, langue du travail. C’est là toute la question de la norme linguistique, le débat du « bon » et du « mauvais » usage. Chose certaine, l’État doit choisir une norme de la langue nationale, cela pour chaque langue nationale, et s’y tenir dans ses propres communications et la faire respecter par les organismes qui dépendent de lui. Il y a là un premier champ de recherches linguistiques, surtout dans le cas des langues en voie de développement et de standardisation.

Deuxième source : l’existence de formes diverses d’une même langue, provenant d’une évolution historique différente, ce que les linguistes appellent, en langage technique, des dialectes. En ce cas, au moins trois problèmes se posent : préciser s’il s’agit vraiment d’une variante de la même langue ou au contraire, d’une langue différente mais voisine; identifier le nombre de variantes et leur répartition sur le territoire, tant géographique que démographique; regrouper toutes les variantes autour d’une forme canonique (la norme) et décider de ce qu’il adviendra des variantes, en général dans l’intention d’en réduire progressivement le nombre par diffusion et généralisation de la variante choisie comme norme. C’est un deuxième champ de recherches, propres à des disciplines linguistiques bien établies, la dialectologie et la géographie linguistique.

Troisième source : le fait qu’une même langue, par exemple le français, utilisée dans des régions très différentes (comme au Québec, en Belgique et en Afrique), y prend une coloration différente, surtout au plan phonétique et lexicologique. C’est la question, aujourd’hui très actuelle du français régional, troisième champ de recherches, encore à peine défriché. Les points d’interrogation sont bien connus, entre autres : qu’est-ce qu’un régionalisme; quelle différence y a-t-il entre un régionalisme et un emprunt (surtout pour l’expression de particularités culturelles et climatiques); quels régionalismes faut-il intégrer dans la norme régionale et à partir de quels critères; comment s’établiront les rapports entre la supra-norme (celle, par exemple, du français), la norme régionale et entre les normes régionales; comment concevoir un dictionnaire du français qui tiendrait compte des régionalismes lexicaux? Quelques travaux expérimentaux ont été réalisés ou sont en cours sur ces sujets, mais nous ne disposons pas de réponses scientifiques, qui pourraient éclairer la notion et la pratique du français universel. Des questions analogues se posent à la langue arabe : d’une part, la relation entre l’arabe dit classique et les formes régionales de cette langue est l’objet d’une discussion qui se poursuit depuis longtemps; d’autre part, l’intention arrêtée d’un panarabisme linguistique suppose le choix d’une norme commune à tous les pays arabes, qu’il est difficile de déterminer et de faire accepter par chaque région et chaque pays.

En somme, il faut réduire le paradoxe apparent de la nécessité d’une norme universelle de la même langue, pour les besoins de la communication internationale ou interrégionale, et de l’existence inévitable de caractéristiques propres à chaque région où elle est parlée.

Le plurilinguisme

Tous les pays sont confrontés, à des degrés divers, à des problèmes découlant de la pratique ou de la nécessité du plurilinguisme. On peut distinguer au moins trois grandes formes de plurilinguisme, qui parfois s’entrecroisent et créent des situations très complexes; dans le premier cas, la population du pays se répartit entre plusieurs langues, dont le nombre peut varier de deux à des centaines; dans le deuxième, le pays n’ayant qu’une seule langue nationale, la connaissance d’une ou de plusieurs langues étrangères est nécessaire à tous ceux dont l’activité professionnelle les amène à dépasser le cadre strictement national, notamment en sciences, en techniques, en économie; enfin, dans le dernier, la ou les langues nationales n’étant pas aptes à remplir toutes les fonctions d’une langue, à l’époque contemporaine, le recours à une ou plusieurs langues étrangères s’impose dans la vie quotidienne du pays et de ses citoyens. Les situations de plurilinguisme sont donc très variées. Les problèmes qui en découlent se répartissent également en plusieurs catégories.

Tout d’abord, on observe deux phénomènes. D’un côté, la prédominance mondiale de quelques langues, favorisées parce qu’elles sont les langues de pays très développés, d’où leur diffusion par la politique, l’économie, la science et la technologie, les produits culturels. Ce phénomène tend à s’accélérer : au fur et à mesure qu’elles sont acquises comme langues secondes, elles deviennent des moyens privilégiés de communication mondiale, de sorte que leur usage et leur connaissance s’imposent encore plus impérieusement. De l’autre, la prise de conscience grandissante de la valeur et de la signification de chaque langue comme expression d’une culture particulière et facteur d’authenticité. Du fait que la langue est une réalité explicite, elle devient le moyen par lequel s’exprime la volonté d’être soi-même. On découvre que la langue est plus qu’un instrument de communication, qu’elle est en rapport étroit avec l’âme collective, qu’elle façonne la pensée et est un facteur puissant de cohérence sociale. D’où une tension permanente entre ces deux phénomènes, qui engendrent deux attitudes possibles : ressentir le premier comme une forme de concurrence déloyale à l’égard du second ou envisager la coexistence de l’un ou de l’autre comme complémentaire. La complémentarité exige cependant que les langues maternelles soient valorisées, qu’elles deviennent moyen de promotion sociale, qu’une répartition des fonctions soit établie entre elles et les langues dominantes dans le cadre global d’une organisation linguistique de la société.

Sur le plan linguistique, le plurilinguisme entraîne de nombreuses questions. Combien y a-t-il de langues en présence? Ces langues sont-elles également capables de remplir toutes les fonctions imparties à une langue? Quelles fonctions remplissent aujourd’hui les langues, est-ce satisfaisant? Y a-t-il une ou plusieurs langues dominantes; si oui, pourquoi le sont-elles et comment ce phénomène est-il ressenti par les locuteurs des autres langues? Si une ou plusieurs langues ne sont pas aptes ä remplir une fonction à laquelle on les destine, comment les amener à le devenir? A-t-on l’intention de conserver toutes les langues, de les développer toutes, de toutes les utiliser et de toutes les enseigner? Quel est le degré d’attachement des locuteurs à leur langue ou à leur variante de la langue? Ces questions sont liées les unes aux autres. Il est impossible et même dangereux d’isoler l’une d’elles. La réponse ne peut être que globale et tient au type de société que l’on désire bâtir.

Ensuite, le plurilinguisme entraîne le contact entre les langues, soit parce que des locuteurs de langues différentes se côtoient fréquemment, soit parce que la même personne passe souvent d’une langue à l’autre selon les circonstances. Deux types de problèmes en découlent. Les premiers, d’ordre psycholinguistique, ont trait au rapport entre développement de la personnalité et pratique du plurilinguisme : perception de sa propre identité linguistique et conflit éventuel provenant soit du sentiment d’appartenir en même temps à plusieurs langues et a aucune, soit de la contradiction entre sa langue profonde et celle(s) de la société à laquelle pourtant on appartient; développement de la pensée, plus ou moins harmonieux, plus ou moins compromis de par la succession des langues apprises, surtout dans les premières années d’existence, notamment lorsque la langue des premières années de la scolarisation n’est pas la langue maternelle. Les seconds, d’ordre strictement linguistique, se rapportent à la notion d’intégrité linguistique : emprunts d’une langue à l’autre, fréquence des emprunts selon les différents domaines de vocabulaire, interférences syntaxiques d’une langue à l’autre jusqu’à la constitution de véritables créoles ou pidgins.

Enfin le plurilinguisme oblige l’État â prendre plusieurs décisions, d’ordre strictement politique, en ce qui concerne l’enseignement des langues. Dans quelle(s) langue(s) sera dispensé l’enseignement élémentaire, secondaire, supérieur? Lorsque la langue maternelle n’est pas une langue de grande diffusion, vaut-il mieux l’utiliser pour les premières années de scolarité (combien?) et passer ensuite à une autre langue, où commencer dès le début l’usage de cette autre langue, faisant ainsi plus ou moins coïncider début de l’apprentissage scolaire et début de l’apprentissage d’une langue seconde? Lorsqu’il existe plusieurs langues nationales sur le territoire, est-il souhaitable que tous les citoyens connaissent toutes ces langues, et, dans l’affirmative, jusqu’à quel degré de compétence? De quelle(s) langue(s) étrangère(s) a-t-on l’intention d’assurer l’enseignement par le système scolaire? Doit-on aller dans le sens de la tendance vers l’hégémonie mondiale de quelques langues et réduire à celles-ci l’enseignement des langues étrangères, favorisant ainsi une sorte de bilinguisme « eurocentrique ». Ne faudrait-il pas que les pays de langues européennes s’ouvrent davantage aux langues non européennes? Ces décisions sont éminemment délicates, puisqu’elles engagent l’avenir du pays, et sont de la stricte compétence de chaque État.

Une fois les décisions prises en matière de langue d’enseignement et d’enseignement des langues, à la lumière de données à la fois politiques et sociolinguistiques, on peut alors formuler convenablement les questions cette fois pédagogiques.

Nous évoquerons à titre d’exemples uniquement celles qui semblent préoccuper tous les pays ou des groupes importants de pays.

L’enseignement des langues étrangères

Le problème le plus universel est celui de l’enseignement des langues dites secondes ou étrangères, les deux termes n’étant pas toujours synonymes selon les circonstances. La complexité de la question provient autant des nombreux aspects sous lesquels elle se présente que de la difficulté d’apporter une solution satisfaisante à chacun d’entre eux. On pourrait la formuler synthétiquement de la manière suivante : à quel moment, à quelle clientèle, selon quelle pédagogie, selon quel rythme, avec quels objectifs convient-il d’enseigner d’autres langues que la langue maternelle, et quel est le statut de ces langues, langue officielle, langue nationale, langue étrangère? Chacun de ces points est lié aux autres et la réponse à l’un d’entre eux exige qu’on ait déterminé la réponse aux autres. Il s’agit vraiment d’un ensemble, d’une structure d’éléments interdépendants.

La question du moment où commence l’enseignement d’une autre langue ne se pose que dans le cas de l’enseignement régulier, de l’enseignement aux enfants : il s’agit de savoir en quelle année des classes maternelles, élémentaires ou secondaires, on introduira cet enseignement. On doit, pour prendre me décision à cet égard, considérer le problème sous divers angles :

Ces angles ne sont pas égaux entre eux, au point qu’on puisse les opposer les uns aux autres, les comparer a égalité de valeur. Il faut les pondérer selon chaque situation. L’angle sociologique est le plus déterminant, celui qui doit toujours avoir la plus grande valeur. C’est pourquoi aucune réponse à la question du moment du début de l’enseignement des langues non maternelles n’est universelle, valable pour tous les pays. Chacun doit trouver sa solution. D’où l’importance également, pour ceux qui doivent prendre les décisions, de bénéficier des avis de personnes compétentes, a qui on a donné le temps et les moyens d’examiner soigneusement toutes les composantes. C’est si difficile qu’on ne peut pas improviser en cette matière, ce qu’on demande souvent aux linguistes et au pédagogues, de sorte qu’on se retrouve en face d’opinions plus ou moins valables, parce que plus ou moins bien fondées, ce qui augmente la perplexité des administrateurs et des hommes politiques.

D’autre part, il y a l’enseignement des langues non maternelles aux adultes et aux étudiants de niveau universitaire. Tout alors est différent et il faut en tenir compte. En général, l’adulte et l’étudiant savent pourquoi ils désirent apprendre une autre langue et ils veulent que ce soit efficace rapidement. Il s’agit donc là d’un enseignement dont l’objectif est la performance rapide dans la langue étrangère, le plus souvent pour des fins bien précises, liées à l’activité professionnelle ou scientifique. La recherche se poursuit toujours en ce domaine, malheureusement très négligé, alors que les besoins augmentent constamment.

De toute manière, que ce soit pour les enfants, les étudiants, les adultes, on a toujours besoin de matériel pédagogique et de méthode d’enseignement qu’il faut mettre au point. Surtout le déséquilibre entre les ressources pédagogiques pour l’enseignement des langues européennes et celles pour l’enseignement des autres langues est évident. On note également qu’on ignore à peu près tout et qu’il n’existe pour ainsi dire pas de matériel pédagogique lorsqu’il s’agit de l’enseignement des langues nationales secondes en situation de multilinguisme. Des travaux et des recherches s’imposent dans l’un et l’autre cas.

L’enseignement de la langue maternelle

L’enseignement de la langue maternelle est aussi l’objet de préoccupations dans de nombreux pays. Là où le français est la langue maternelle, notamment au Québec, en Belgique et en France, les résultats de l’enseignement du français déçoivent beaucoup, surtout en ce qui touche à la langue écrite, particulièrement à la maîtrise de la syntaxe et de l’orthographe. Du moins, on en discute et les rapports d’enquête se succèdent. On continue à s’interroger sur les raisons de cette crise et sur les moyens d’y remédier.

En Afrique noire, l’enseignement des langues maternelles est d’une difficile actualité. Nous avons déjà évoqué l’aspect politique de la question : faut-il enseigner la langue maternelle, toutes les langues maternelles, jusqu’à quel niveau? Si on répond affirmativement, on doit alors faire face aux aspects linguistiques et pédagogiques de la décision : description des langues, si elle n’est pas faite ou pas suffisante, choix d’une norme, standardisation de l’orthographe, préparation du matériel pédagogique, préparation du personnel enseignant, préparation de matériel de lecture. Tout ceci demande du temps et suppose un calendrier réaliste de mise en place.

Des questions semblables se posent aux pays arabes, dans le cadre de la politique d’arabisation. L’aspect terminologique apparaît alors comme le plus aigu et le plus préoccupant.

L’enseignement du français

L’enseignement du français comme langue officielle ou quasi officielle, mais langue non maternelle, pose des problèmes dans tous les pays ou la colonisation l’a introduit. Des problèmes politiques d’abord dans la manière de définir le type de plurilinguisme que l’on souhaite pour le pays. Des problèmes pédagogiques, notamment la compétence du personnel enseignant et le choix du matériel pédagogique, surtout si on veut tenir compte des interférences entre les langues en contact. Enfin des problèmes d’ordre culturel, qu’on peut réduire en deux grandes interrogations : d’une part, comment concilier l’affirmation d’une culture particulière liée a me certaine langue, dans la perspective de l’authenticité culturelle, avec la nécessité de connaître et d’utiliser me autre langue liée à me autre culture?, d’autre part, comment enseigner me langue « étrangère » sans du même coup diffuser, par ce biais, la culture qu’elle exprime, au détriment de la culture nationale? L’enseignement de l’anglais au Québec et aux minorités françaises du Canada, du flamand en Belgique soulève les mêmes difficultés.

L’alphabétisation des adultes

Certains problèmes sont propres à l’alphabétisation des adultes, qui semble avoir connu plus d’échecs que de succès. Ceci nous ramène à la conception de la langue comme moyen de développement et facteur de promotion sociale, dont nous avons parlé précédemment. En effet, si, d’une part, pour transmettre rapidement et efficacement à la population non scolarisée l’information propre à assurer le développement, on juge opportun de recourir a me langue locale et, en conséquence, d’alphabétiser cette population en cette langue, d’autre part, l’adulte se demandera si cette langue est, pour lui, m bon moyen d’améliorer son sort, surtout lorsqu’en même temps, il constate que les enfants, ses enfants, ne sont pas scolarisés dans la même langue que lui. L’alphabétisation doit être l’objet de recherches plus sérieuses, plus poussées, en sociolinguistique et en pédagogie.

Les questions terminologiques

Enfin, il est apparu que la plupart des langues faisaient face à des problèmes de terminologie, qui viennent de la nécessité de s’adapter sans cesse à l’évolution des sciences et des techniques. Depuis peu, on a vu certains pays, notamment le Québec, mettre au point des méthodes rigoureuses pour les travaux de terminologie et surtout pour arriver à me normalisation qui reçoive l’assentiment des usagers. Quelques pays ou organismes internationaux, dont l’Allemagne, la Communauté économique européenne, le Québec, le Canada, l’Association française de normalisation, ont mis au point des banques de terminologie automatisées, qui fonctionnent aujourd’hui, riches de milliers de mots, ce qui constitue pour nos pays des réservoirs fort utiles de terminologie technique, scientifique, administrative, dont il faudrait apprendre à tirer parti.

On voit donc, par ce bref aperçu, l’étendue et la variété des problèmes linguistiques communs et la diversité, la complexité des recherches nécessaires à leur solution.

Chapitre 4 – L’activité linguistique internationale

Depuis le début du siècle et surtout depuis les années cinquante, on observe un mouvement de convergence en ce qui a trait aux questions de langue.

D’un côté, la linguistique prend la relève de la philologie et se développe rapidement. De l’autre, les questions linguistiques deviennent de plus en plus complexes et actuelles, ce qui amène d’abord les États, puis les organismes internationaux à prendre des mesures et à définir des programmes d’action.

Développement de la linguistique

La linguistique est, aujourd’hui, une discipline scientifique bien spécifique, dont les résultats s’accumulent sans cesse, dans des directions de plus en plus variées. Aucune des manifestations du langage et de la langue ne lui échappe. L’activité de recherche est intense, des sujets les plus théoriques jusqu’aux plus concrets. L’enseignement de la linguistique a pris un grand essor dans la plupart des pays et suscite toujours un grand intérêt.

Des linguistes et des pédagogues se sont préoccupés d’établir un rapport entre l’enseignement des langues, maternelles ou secondes, et la linguistique, ce qui a donné naissance à ce qu’on a, malencontreusement sans doute, baptisé linguistique appliquée. Il est évident que l’enseignement des langues en a été profondément renouvelé et cette évolution pédagogique se poursuit toujours, d’autant plus qu’elle intègre en même temps les résultats des travaux des psychologues en ce qui touche au développement de la pensée et aux modes d’apprentissage.

La relation s’est aussi établie entre les sociologues, les anthropologues et les linguistes, d’où l’émergence de la sociolinguistique, discipline qui s’intéresse aux rapports entre langue et organisation sociale. Les méthodes d’observation et d’analyse se développent rapidement et on dispose maintenant d’une certaine expérience en ce domaine.

Cependant, tous les pays n’ont pas atteint le mime niveau de développement en linguistique. On observe même, dans certains cas, des appréhensions, plus ou moins explicites, surtout à l’égard de la sociolinguistique. On note aussi une certaine résistance, ou tout au moins une certaine méfiance, de la part des pédagogues à l’égard de la linguistique, qui risque de compromettre le renouvellement de la pédagogie des langues au moment où il faut s’en préoccuper le plus. Un futur centre international devrait donc avoir conscience qu’il lui faudra, jusqu’à un certain point, dédouaner la linguistique.

La communauté de nos pays dispose d’un très grand nombre de spécialistes intéressés à tous les aspects du langage et de la langue et de moyens de travail et de recherche abondants : laboratoires de toutes sortes, ordinateurs divers, centres de documentation, banques de terminologie informatisées, etc. En conséquence, dans la plupart des pays, des budgets sont consacrés aux travaux et à la recherche linguistiques.

Création des centres nationaux

Le statut des spécialistes est très variable d’un pays à l’autre ou à l’intérieur d’un même pays. Pour les fins qui nous intéressent, on peut distinguer trois grandes catégories.

Tout d’abord, il y a les spécialistes isolés, qui mènent des recherches individuelles, parfois par intérêt personnel ou dans le cadre de leurs activités professionnelles, le plus souvent pour un mémoire ou une thèse. Malheureusement, ces mémoires ou ces thèses ne sont presque jamais intégrés à la documentation générale et sont oubliés sur les rayons d’une bibliothèque.

Ensuite le grand nombre de spécialistes enseignant dans une faculté, un département, une école. La plus grande partie de leur temps est consacrée à l’enseignement. C’est avec peine qu’ils peuvent s’adonner à la recherche. Par contre, ce sont eux qui dirigent les mémoires et les thèses des étudiants : de ce fait, ils peuvent jouer un rôle important dans l’orientation et l’avancement systématique des recherches linguistiques ou pédagogiques dans leurs pays.

Mais il y a surtout les spécialistes qui se consacrent à plein temps à la recherche dans des unités dont c’est la seule vocation. En effet, plusieurs pays ont jugé nécessaire de constituer des équipes de recherche en linguistique, le plus souvent appliquée, et de leur confier les travaux susceptibles d’apporter des solutions aux problèmes des pays. L’appellation de ces équipes est très variable : on les appelle centre (ex. : le Centre de linguistique appliquée de Dakar), office (ex. : l’Office de la langue française du Québec), institut (ex. : l’Institut de linguistique appliquée d’Abjidjan), laboratoire (ex. : ceux du CNRS de France) ou bureau (ex. : le Bureau des traductions d’Ottawa). Mais, indépendamment du générique qui les désigne, ces équipes s’occupent en général de linguistique, surtout pour des questions d’enseignement ou, plus globalement, d’aménagement linguistique; certaines sont plus orientées vers la traduction ou la terminologie, presque toujours plurilingue. Leur statut administratif n’est pas le même. Les unes relèvent ou sont censées relever d’un centre national de la recherche scientifique, comme le Centre national de la recherche scientifique en France (CNRS) ou l’Office national de la recherche scientifique et technique au Cameroun (ONAREST). Il existe alors parfois une certaine concurrence entre ces centres nationaux et l’Université, qui affirme aussi la nécessité de la recherche universitaire intégrée à l’enseignement. Les autres font partie de l’Université ou sont affiliées à l’Université, ce qui semble être la règle générale. Enfin, certaines unités, fort rares, dépendent d’un ministère ou d’une organisation internationale, comme l’Office de la langue française du Québec, le Bureau des traductions d’Ottawa, le Bureau de terminologie de la Commission des communautés européennes.

En général, ces équipes sont isolées les unes des autres. Les quelques rapports qu’elles ont entre elles sont le fruit du hasard et le fait de relations personnelles entre chercheurs, à la suite de rencontres lors de congrès ou de colloques.

Tout le monde s’accorde à regretter cet état de chose et à déplorer que les travaux s’effectuent sans coordination aucune et le plus souvent dans l’ignorance complète de ce qui se fait ailleurs. Aucun organisme ne se préoccupe aujourd’hui, sur le plan international, des questions et problèmes d’ordre scientifique, méthodologique, documentaire que doivent pourtant régler les chercheurs et spécialistes engagés dans des travaux relatifs à la situation des langues dans leurs pays respectifs.

Intérêt des organismes internationaux

À la demande des États membres, de plus en plus d’organismes internationaux s’intéressent aux questions linguistiques. Citons quelques exemples significatifs. L’UNESCO, par divers moyens favorise les rencontres entre spécialistes en vue de mieux cerner les questions et définir des programmes d’action adéquats. L’ALECSO, seule ou en collaboration avec l’UNESCO, soutient la recherche consacrée a la langue arabe. L’AUPELF patronne un premier inventaire provisioire des particularités lexicales du français en Afrique noire, aide les créolistes à s’organiser en association, facilite l’échange de spécialistes entre les universités membres. Le Conseil international de la langue française (CILF), constitué d’éminents linguistes et grammairiens, réunit chaque année ses membres pour l’examen de questions d’actualité et organise un colloque ä cette occasion. On s’y préoccupe beaucoup de l’évolution des rapports entre la langue française et les autres langues, notamment les langues africaines, l’arabe et l’anglais. Cet organisme s’intéresse également à la terminologie; il publie des travaux et deux revues, la Clé des mots et la Banque des mots. Enfin, l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) elle-même s’intéresse à la linguistique et est un lieu d’échange et d’information.

De nombreuses associations internationales sont nées ces dernières années, qui regroupent des spécialistes et qui se préoccupent d’échanges et d’information. La Fédération internationale des professeurs de français (FIPF) est constituée de représentants des associations nationales : elle est devenue le lieu le plus dynamique où se discutent tous les aspects de l’enseignement du français. L’Association internationale de linguistique appliquée (AILA) suit de près le développement de cette spécialité d’abord par ses commissions, surtout par l’organisation régulière de congrès, comme celui d’août 1978, à Montréal, où se sont retrouvés près de deux mille spécialistes. L’Association internationale d’enseignement par les méthodes audiovisuelles (AIMAV), la Fédération internationale des professeurs de langues vivantes (FIPLV), la Modern Language Association (MLA) sont des tribunes ou se discutent les questions de pédagogie des langues.

En conclusion, en même temps que la linguistique s’affermit et se répand, l’intérêt pour les questions linguistiques grandit, les activités en ce domaine se multiplient, autant sur le plan national qu’international.

Plusieurs en ont conscience et croient que le moment est venu de tenter un vaste effort de coordination et de collaboration internationales.

Chapitre 5 – Opportunité d’un centre international

Les questions linguistiques ont pris, dans notre inonde contemporain, une importance, une ampleur et une signification qu’elles n’ont jamais eues dans le passé, même très récent. Tous les pays, qu’ils soient officiellement unilingues ou plurilingues, doivent faire face à des problèmes linguistiques très divers qui proviennent aussi bien de la situation nationale que des contacts internationaux. Ce qui a conduit beaucoup d’États à développer l’enseignement de la linguistique et la recherche en cette discipline au niveau universitaire, à accorder une attention particulière à la formation des maîtres et à la recherche en matière d’enseignement des langues maternelles et secondes, enfin à créer sous des appellations variées, des équipes nationales de recherches linguistiques.

Pour des motifs que nous exposerons ci-dessous, nous croyons le moment venu de doter la communauté de nos pays d’un instrument commun d’action et de recherche dédié exclusivement aux problèmes linguistiques.

Ampleur de la recherche requise

Les thèmes sur lesquels il est aujourd’hui devenu nécessaire et pressant de mener des recherches linguistiques, aussi bien fondamentales qu’appliquées, sont à la fois nombreux et de toute première importance, tant pour l’individu que pour la société.

Il nous faut trouver des réponses satisfaisantes à toutes les questions que posent l’enseignement des langues maternelles et leur évolution, tout particulièrement leur adaptation constante aux nécessités de la communication moderne, surtout scientifique et technique.

Il nous faut considérer dans une perspective tout à fait nouvelle l’initiation aux langues étrangères, autrefois apanage d’une minorité, aujourd’hui phénomène largement généralisé, qui doit s’inscrire dans les programmes réguliers d’études. Cette généralisation de la connaissance des langues étrangères modifie la dynamique des contacts entre les langues et des rapports entre les cultures qu’elles expriment.

Presque chaque citoyen est en relation, ou a l’occasion de l’être, avec une autre langue et une autre culture, soit de par les moyens modernes de communication (la radio, la télévision, le cinéma, le disque), soit de par l’activité et les relations professionnelles (notamment la documentation et les réunions de toutes sortes), soit enfin, plus simplement, du fait de l’augmentation de la circulation des biens et des personnes, par le commerce international et l’organisation systématique du tourisme comme source de devises étrangères. Aussi, les États sont-ils amenés a se préoccuper à la fois du maintien des langues et cultures nationales et de la diffusion, sur leur propre territoire, des langues et cultures étrangères, d’où la recherche constante de formule de « bilinguisme » propre a réduire le paradoxe et les tensions qu’il provoque.

La diversité culturelle des pays entraîne la nécessité de désigner des réalités particulières, pour lesquelles soit la langue nationale, soit le français ne dispose pas de mots. Il y a là le germe de tous les problèmes d’emprunts, de néologismes, de régionalismes sur lesquels chacun s’interroge, à sa manière. Une sérieuse mise au point s’impose, dans chaque pays, bien étayée sur les résultats de la recherche. Cela implique qu’on définisse mieux le concept de norme, autant sur le plan national qu’international, domaine où les connaissances sont aujourd’hui éparses et embryonnaires.

Universalité des problèmes

Une part importante de ces problèmes est de caractère universel. La manière dont ils se posent à chaque État varie plus ou moins, soit en intensité, soit en complexité, mais les facteurs de base s’observent partout. Les équipes nationales définissent leurs programmes de recherches en fonction des besoins prioritaires de leurs pays et du temps ou des ressources dont elles disposent. Elles ne peuvent souvent pas accorder aux problèmes à résoudre le soin et le temps qu’en exigeraient l’ampleur et la complexité. Des aspects importants, souvent fondamentaux, sont traités superficiellement, parce qu’ils ne sont pas considérés comme prioritaires. Un centre international pourrait recenser les aspects communs des problèmes nationaux, favoriser la comparaison et la synthèse des recherches de chaque pays, prendre en charge les questions qui ne sont pas prioritaires pour ces pays, mais dont l’étude, cependant, serait utile à plusieurs ou à tous.

Coordination nécessaire des travaux

Dans beaucoup de pays, des équipes ou des spécialistes isolés, le plus souvent universitaires, ont orienté leurs recherches vers les problèmes linguistiques, au fur et à mesure que la linguistique comme science se développe et s’affirme. On observe cependant qu’il existe peu de rapports entre les spécialistes ou entre les équipes, souvent à l’intérieur d’un même pays, du fait de leur dispersion dans des unités administratives distinctes ou dans des campus universitaires souvent éloignés les uns des autres, et presque toujours d’un pays à un autre, d’un continent à un autre, à cause des coûts et des difficultés de communication.

Ceci nous porte à penser qu’il est indispensable d’enrayer le gaspillage des énergies et d’éviter le double emploi entre les centres ou autres organismes nationaux. D’où la nécessité d’un inventaire permanent des travaux en cours et des résultats obtenus. Un centre international pourrait se charger d’un tel inventaire et favoriser les relations et la collaboration entre les diverses équipes.

On constate qu’il est aujourd’hui difficile de savoir ce qui se fait ailleurs, parfois impossible de se procurer les publications dans lesquelles les spécialistes de chaque pays rendent compte des résultats de leurs travaux, qui restent ignorés hors des frontières nationales, parfois mime hors du cadre de l’Université. Souvent, faute d’information, le chercheur se trouve dans l’obligation de reprendre à la base des travaux déjà amorcés ou menés ailleurs. Il convient de fournir aux unités nationales l’accès à la documentation internationale, pour qu’elles puissent orienter en toute connaissance leurs propres programmes d’activités, engager leurs travaux à partir des acquis de la recherche internationale et comparer leurs résultats. Ainsi, par l’accumulation des connaissances, la mise au point de solutions adéquates se fera de plus en plus aisément et rapidement. Par ailleurs, les travaux des spécialistes et des unités seront connus et disponibles. La tâche d’organiser, d’animer et de gérer un centre de documentation de cette nature dépasse la vocation d’un centre national et apparaît du ressort d’un centre à caractère international.

L’isolement actuel des chercheurs, notamment de ceux des pays du tiers-monde, est un phénomène grave, appauvrissant pour eux et pour toute la communauté scientifique. Un centre international sera le moyen de créer une véritable communauté de chercheurs, un instrument de communication, d’ouverture, de progrès. Bref, favoriser la diffusion et la coordination, valoriser l’effort de chacun, rentabiliser les moyens nationaux, développer l’habitude du travail en commun et donner à tous les chercheurs une pleine ouverture sur le monde scientifique.

Instrument au service des États

Considérant les décisions difficiles et lourdes de conséquences que les États sont appelés à prendre en matière de langue, un centre international pourrait leur être un précieux instrument de référence.

Tout d’abord, en mettant à leur disposition une documentation internationale précise, traitant des modalités administratives et des activités des différents centres ou groupes nationaux de recherches linguistiques et en leur fournissant également des renseignements sur les diverses mesures législatives ou administratives des autres États en matière d’usage et d’enseignement des langues.

Ensuite, en fournissant aux États qui le souhaiteraient des renseignements d’ordre scientifique en ce qui concerne la théorie et la pratique de l’aménagement linguistique global, la solution de problèmes particuliers ou la réponse à certains types de besoins.

Aussi, en se chargeant de diverses tâches, à la demande des États, sous forme de contrats ou de missions. Ceci serait surtout intéressant pour les pays qui, tout en ayant les mêmes problèmes que les autres, ne disposent pas encore d’un centre national.

Enfin, un centre international serait un instrument de formation permanente des chercheurs nationaux, parce qu’il les intégrerait aux équipes multinationales, faciliterait leur participation à des stages dans des équipes nationales selon leurs besoins, ou les intégrerait à l’équipe du centre pour des périodes de courte ou de moyenne durée.

Opinion favorable des chercheurs nationaux

À cet ensemble d’arguments s’ajoute l’opinion mime des responsables des centres nationaux, ainsi que des chercheurs et des administrateurs rencontrés au cours des missions.

Même s’ils ont des conceptions différentes, ce qui est tout à fait normal, quant à la hiérarchie des fonctions et au mode d’activité d’un futur centre, tous sont d’accord pour reconnaître la nécessité d’un instrument international de coordination et d’animation, de liaison et de documentation, de formation et de perfectionnement. Plusieurs d’entre eux ont souligné, avec raison, que le centre ne devra pas être une « super-structure » coûteuse et envahissante, qui risquerait d’étouffer, d’affaiblir ou de marginaliser les centres nationaux, mais au contraire un stimulant et un appui pour eux, un lieu de conseils, un instrument de diffusion et de valorisation de leurs travaux. La plupart sont convaincus qu’un centre international fera naître une meilleure vision nationale de l’ensemble du problème linguistique en lui offrant en contraste une vision extranationale. Cette démarche permettra une meilleure organisation des actions nationales, favorisera les processus d’objectivation des questions linguistiques, en les situant dans une perspective à la fois plus scientifique et plus internationale.

En résumé, à la fois l’ampleur, l’acuité et la complexité des problèmes linguistiques (dont beaucoup se posent en termes universels), le besoin d’assurer la coordination des travaux menés dans le cadre national et de rompre l’isolement des chercheurs, la nécessité de disposer d’une information et d’une documentation à l’échelle internationale et d’offrir un lieu de formation et de perfectionnement commun aux centres nationaux, le besoin enfin de fournir aux États les bases scientifiques nécessaires à la formulation de leurs politiques linguistiques, confirment, à notre sens, l’opportunité et même l’urgence de la création d’un centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée.

Chapitre 6 – Vocation de l’organisme

La préoccupation principale et essentielle des interlocuteurs, rencontrés pendant les missions d’information, dans tous les pays, était de concevoir l’activité du centre international, dont il jugeait la création nécessaire, dans une perspective de soutien et d’expansion des travaux et recherches des centres ou groupes nationaux. Sur ce point, il y a unanimité : l’activité du centre international doit être complémentaire de celle des centres nationaux et il faut éviter toute forme ou toute possibilité de concurrence entre ces deux niveaux de recherche.

D’un pays à l’autre, il existe une remarquable convergence d’opinions au sujet des rôles d’un organisme international du type CIRELFA. Nous regroupons ces avis sous trois grandes vocations possibles du centre international : documentation et information; liaison, coordination, études et recherches communes; formation permanente des chercheurs.

Les opinions ont été contradictoires quand il fut question de savoir si le futur centre allait, lui aussi, devenir un centre de recherche. Ceux qui s’opposaient à cette idée soutenaient qu’il devrait être un centre de service, donc limité aux rôles précédemment énumérés. Ainsi, seraient évités, par exemple, la concurrence et l’exode des chercheurs nationaux vers le centre international. Les autres affirmaient qu’il était indispensable que le centre international ait son propre programme de recherches et soutenaient même que les rôles de service ne peuvent être remplis que si le centre est également un centre de recherche. Pour diverses raisons que nous exposerons, nous adhérons aux avis du dernier groupe et nous ajoutons une quatrième vocation « Recherches » aux trois précédemment identifiées.

Vocation « Documentation et information »

L’objectif est d’accélérer la recherche sur le plan national par la connaissance des travaux déjà exécutés dans un domaine donné et des résultats obtenus par d’autres chercheurs, de répertorier les travaux en cours et les chercheurs qui en sont responsables, ce qui est nécessaire à tout effort de coordination, enfin de faire en sorte que l’information soit accessible à tous ceux qui s’intéressent aux questions et problèmes linguistiques, notamment aux responsables nationaux.

Il s’agit donc de constituer un centre de documentation dont les principales fonctions seront les suivantes :

La vocation « Documentation-information » implique un personnel spécialisé et ne peut se concevoir aujourd’hui sans le recours à l’informatique. Il faut donc ou bien constituer un centre automatisé de documentation, ou avoir recours, pour le traitement informatique de la documentation, à un centre existant, avec lequel on passerait un accord de service.

Nous favorisons la deuxième solution, d’abord parce qu’il existe déjà de tels centres de documentation et qu’il serait contraire à nos intentions de coordination d’en constituer un nouveau, ensuite parce que c’est la solution la plus économique. Le centre international se préoccuperait de l’accès aux centres de documentation déjà constitués, concentrerait son effort sur ce qui n’est pas recueilli aujourd’hui et utiliserait par contrat des services informatiques déjà rodés.

Vocation « Liaison, coordination, études et recherches communes »

L’objectif est de faire en sorte que les recherches ne se répètent pas d’un pays à l’autre, mais qu’au contraire, elles s’appuient sur les résultats acquis pour approfondir la réflexion. Ceci permettrait de réduire les coûts de la recherche et d’harmoniser les sources de financement, de briser l’anonymat et l’isolement ou se retrouvent aujourd’hui les chercheurs des différents pays, enfin de faire connaître les travaux et activités des uns aux autres.

Le centre international se préoccupera donc :

Vocation « Formation permanente des chercheurs »

L’objectif sera :

Vocation « Recherche »

Le centre international devra avoir son propre programme de recherche pour les raisons suivantes :

Cependant, le centre ne devra jamais entrer en concurrence avec les unités nationales de recherche, ni provoquer une fuite des compétences vers lui, ce qui aurait comme conséquence d’affaiblir les équipes nationales.

Un centre de caractère scientifique

Le centre international trouvera sa vocation et son originalité en situant son action sur le plan scientifique et méthodologique, en ayant comme principale préoccupation et clientèle les chercheurs nationaux œuvrant sur le terrain. Il s’agira donc d’un centre d’animation, résolument orienté vers les problèmes tels qu’ils se posent dans la réalité des situations linguistiques nationales, préoccupé essentiellement de l’élaboration de solutions théoriques et pratiques adéquates.

Le centre devra donc être international et jouir d’une large autonomie financière et administrative. La crédibilité du centre découlera de ces caractéristiques et du renom des chercheurs réunis en son sein.

Chapitre 7 – Principaux secteurs d’activité

Pour déterminer les principaux axes de l’activité du centre international projeté, nous tenons compte de trois éléments : la diversité des problèmes d’ordre linguistique qu’affrontent les pays, les domaines dans lesquels travaillent déjà les différents centres nationaux de recherche, puisqu’ils seront les principaux interlocuteurs de l’organisme international, enfin les vocations du centre lui-même.

Il ne s’agit pas ici de thèmes de recherche propres au centre international. Ceux-ci se dégageront par la suite. Il s’agit, dans une problématique très complexe, de choisir des thèmes qui délimiteront toutes les actions du centre, qu’elles soient de documentation, de coordination ou de recherche. Plutôt que de procéder d’après une vision globale, donc abstraite, des situations linguistiques, il apparaît préférable et plus profitable de partir des problèmes immédiats et quotidiens. Sous cet angle, le problème central est celui de l’enseignement, parce qu’il sous-entend et met en relief tous les autres, tout particulièrement les questions soit de lexicologie et de terminologie, soit de linguistique descriptive et de sociolinguistique.

Nous proposons donc que le futur centre international se consacre à quatre grands secteurs d’activité : l’enseignement des langues, la lexicologie et la terminologie, la linguistique descriptive, enfin la sociolinguistique.

Dans chacun de ces domaines, nous nous proposons d’indiquer ci-après les principales questions qui se posent aujourd’hui, sans intention d’exhaustivité ou de description complète. En somme, nous essayons de refléter, du mieux que nous le pourrons, les préoccupations des spécialistes et unités nationales de recherche, telles qu’elles se dégagent des missions d’information et de la documentation consultée.

Bien que les rapports entre les divers secteurs soient à la fois étroits et évidents, on peut arbitrairement les isoler et décider que le centre ne s’occupera que de l’un et de l’autre ou qu’il les abordera selon une chronologie à déterminer. Nous recommandons cependant de les aborder tous les quatre en même temps, en privilégiant dans l’immédiat l’enseignement des langues et les questions de lexicologie et de terminologie, en raison de l’urgence de ces problèmes et des nombreux travaux actuellement en cours.

Enseignement des langues

Nous dégageons les sous-thèmes et éléments suivants :

Lexicologie et terminologie

Linguistique descriptive

Sociolinguistique

La description que nous venons de faire des secteurs d’activité d’un centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée peut paraître très ambitieuse. Pourtant, cette énumération ne reflète qu’une partie des problèmes linguistiques qu’affrontent les États. Notons cependant qu’il ne s’agit pas ici d’un programme de recherche, mais d’un programme d’activité, en ce sens que se trouve ainsi circonscrit le champ des préoccupations du Centre, notamment dans sa fonction documentaire. Pour le reste, le programme annuel se définira selon les besoins et les priorités, tels qu’ils se dégageront des recherches sur le plan national et selon les décisions du conseil d’orientation scientifique et du conseil d’administration du futur Centre international.

Chapitre 8 – Nature et structure

Compte tenu des vocations du Centre projeté et des secteurs prioritaires dans lesquels nous croyons qu’il devrait œuvrer, nous esquisserons maintenant l’aspect administratif qu’il pourrait prendre.

Données à la question

Sous son aspect « service », le Centre traitera surtout avec des spécialistes et des centres nationaux. Il est important de dégager les caractéristiques de cette clientèle. Elle est très dispersée, à travers trois continents et de nombreux pays, ce qui entraînera des dépenses de correspondance et de transport et de nombreuses difficultés de travail en commun. Le statut des spécialistes et des centres nationaux varie beaucoup : le plus grand nombre fait partie de l’Université, certains sont rattachés à des centres nationaux de recherche scientifique, un petit nombre appartient à la fonction publique et est intégré a un ministère; d’où la nécessité pour le Centre d’être d’une grande souplesse administrative et de pouvoir ainsi s’adapter à la situation de ses interlocuteurs. La clientèle est composée essentiellement d’intellectuels, ce qui exige que le Centre soit capable de traiter avec ses interlocuteurs à un haut niveau de compétence professionnelle.

Le Centre sera en étroite relation avec l’Agence de coopération culturelle et technique. Historiquement, c’est l’Assemblée générale de l’Agence qui a été saisie de ce projet et qui décidera, en dernier ressort, de ce qu’il en adviendra. De ce point de vue, le Centre apparaît comme un outil d’ordre scientifique dont veulent ou voudront se doter les pays de l’Agence pour mieux régler certains problèmes linguistiques auxquels ils font face. Financièrement, le Centre ne peut démarrer qu’avec l’aide de l’Agence et des pays qui en font partie. Administrativement, il serait nécessaire que le Centre jouisse de la caution de l’Agence, surtout pendant les premières années d’activité.

Il apparaît souhaitable que le Centre soit en liaison régulière avec l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF), et ce, en raison de la nature universitaire de sa mission. En effet, les universités, en tant qu’entités administratives, seront très régulièrement mêlées aux activités du Centre, soit par les personnes, soit par les centres, départements et écoles qui y participeront.

Le Centre sera aussi en rapport avec d’autres organismes internationaux. Nous en distinguons trois types : les organismes du type UNESCO, ALECSO, CILF, qui ont des programmes d’action dont le futur Centre devra tenir compte, pour des motifs de coordination et d’économie; les organismes de type professionnel, comme l’Association internationale de linguistique appliquée, pour des raisons d’ordre scientifique; enfin, les organismes qui se sont donnés d’autres communautés linguistiques, pour des raisons d’information et de collaboration.

Enfin, tous les informateurs souhaitent que la structure administrative du futur Centre soit très peu coûteuse.

À la lumière de ces données, on peut formuler deux hypothèses d’organisation du Centre projeté. On pourrait le constituer sous forme de service à l’intérieur d’un organisme existant, soit l’Agence elle-même, soit l’AUPELF. Le programme d’activité est alors défini par l’assemblée générale de l’organisme d’accueil, suivant les modalités prévues par sa constitution et les frais encourus par le nouveau Centre sont intégrés à son budget. La structure du futur organisme se réduit alors à un directeur, entouré du personnel nécessaire à l’exécution des tâches, sous l’autorité du secrétaire général de l’organisme d’accueil. Seconde hypothèse, le Centre est autonome et créé de toutes pièces. Il faut alors le doter d’une structure administrative qui lui soit propre et envisager la question du financement. Cette hypothèse apparaît plus adéquate que la première, car elle donne au centre l’indépendance indispensable pour asseoir sa crédibilité. Elle évite un précédent selon lequel des organismes comme l’Agence ou l’AUPELF assumeraient des responsabilités de nature CIRELFA dans d’autres champs professionnels tout aussi importants, comme la médecine par exemple. Elle permet une plus grande diversité des sources de financement auxquelles faire appel, selon toutes les modalités de la coopération scientifique internationale.

Nature du centre proposé

Le Centre devrait être de nature exclusivement scientifique : constitué d’un personnel de grande compétence, il travaillerait, de concert avec tous les spécialistes nationaux, a résoudre les divers problèmes linguistiques des pays, dans le plus grand respect de la compétence politique des États.

Il aurait un caractère international de par le nombre et la diversité des pays membres de l’Agence que le Centre aurait pour mission de servir et du fait qu’il serait en relation avec d’autres organismes analogues ou s’intéressant aux questions de langues.

Il serait doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière.

Il serait préférable que le Centre soit logé dans une université ou dans un centre national de recherche du pays qui l’accueillera, à la fois pour des raisons de qualité de vie intellectuelle ou scientifique et d’infrastructure de service (accès aux services administratifs, accès aux bibliothèques, facilité de logement et d’accueil des visiteurs, etc.).

Organigramme du centre projeté

Nous croyons que l’organigramme du futur Centre devrait comporter un Conseil d’administration, un Conseil d’orientation scientifique et la Direction proprement dite.

Organigramme proposé
Organigramme du futur Centre

Le Conseil d’administration

Le Conseil d’administration est chargé d’examiner le rendement du Centre, ses orientations, la qualité de son fonctionnement et de sa gestion, et d’en discuter tous les aspects budgétaires, sources de financement et répartition du budget dans les différents postes.

Il est composé de sept membres, soit :

Le directeur du Centre assiste aux réunions du Conseil d’administration, mais sans voix délibérante.

Le Conseil d’administration pourrait se réunir une fois l’an, pendant une journée, juste avant et sur les lieux mêmes de la réunion annuelle du Conseil d’administration de l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), ce qui réduit considérablement les frais.

Le Conseil d’orientation

Le Conseil d’orientation scientifique est chargé de définir la politique scientifique du Centre, d’examiner le programme d’activité (colloques, stages, publications, recherches, etc.), de conseiller le directeur dans sa tâche.

Il est composé de quinze membres, soit :

Ces membres seraient choisis à titre personnel, par consultation entre l’Agence et l’AUPELF

Le Conseil d’orientation scientifique se réunit une fois l’an, pour une session d’au moins quatre jours, au lieu même ou se trouve le Centre. Cette réunion comprendrait deux grandes parties : une partie administrative pour l’étude des activités du Centre et un séminaire consacré à l’examen d’une question linguistique d’intérêt général et d’actualité, pouvant avoir des répercussions sur l’orientation du Centre. Le Centre ne prend en charge que les frais des membres désignés a titre personnel, les autres l’étant par leur organisme propre.

Le mandat des membres du Conseil d’orientation est de trois ans, renouvelable une fois.

La Direction du Centre

La Direction du Centre est composée d’un directeur, assisté de deux chefs de service et d’un adjoint administratif.

Le directeur est nommé par le Conseil d’administration du Centre, après consultation du Comité d’orientation scientifique. Son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois. Il dirige l’ensemble des activités du Centre, recrute et gère le personnel, assure la représentation du Centre; il est responsable de sa gestion devant le Conseil d’administration.

La responsabilité des chefs de service se répartit ainsi :

L’adjoint administratif assure la gestion financière et l’administration courante du Centre.

Personnel du Centre

Un accord général s’est dégagé chez nos interlocuteurs autour d’une règle très simple : le moins de permanents possibles soutenus par le Centre.

Au service de la documentation, il faudrait prévoir, en plus du responsable, des documentalistes de haut niveau, capables d’orienter ce service et d’en assurer la qualité et l’efficacité. Le Centre ne devrait pas s’engager lui-même dans l’aspect informatique d’un centre de documentation, mais plutôt passer contrat avec un centre déjà existant, ou encore bénéficier de l’accès à un centre dont les services constitueraient la participation d’un gouvernement au financement du Centre international.

Au service des affaires linguistiques, il faudrait prévoir une petite équipe de chercheurs permanents, pour les recherches propres au Centre international et des chercheurs contractuels pour les recherches ponctuelles. Pour pouvoir disposer de tous les spécialistes requis par les activités du Centre, il faudra obtenir de certains gouvernements, des universités ou des centres nationaux de recherche, le détachement de chercheurs de bon niveau pour des périodes de deux à trois ans. Ce pourrait être, pour ces chercheurs, des stages de formation permanente.

Il faut prévoir le personnel de secrétariat nécessaire à la bonne marche du Centre.

Étalement de la mise en route du Centre

Si le Conseil d’administration de l’Agence, après étude de ce rapport, songe à recommander la création du Centre projeté, il serait bon d’élaborer une proposition des statuts du futur organisme et, de là, d’établir une fiche budgétaire indicative. Ainsi, la prochaine assemblée générale de l’Agence aurait en main tous les documents et renseignements nécessaires à une décision finale.

Nous sommes d’avis qu’il serait préférable de répartir sur trois ans la mise en route du futur organisme, selon la séquence suivante : dans un premier temps, la mise en place de la fonction documentaire, avec l’aide technique d’un centre informatisé déjà existant; dans un deuxième temps, la mise sur pied de la fonction « coordination-animation », par l’organisation des premiers colloques restreints d’experts et la mise en route des premières équipes de recherches coopératives; enfin, la troisième année, les débuts des recherches propres au Centre international.

Chapitre 9 – recommandations

I

Tous les États ont des questions linguistiques à examiner, des problèmes de langue à résoudre. Certains aspects sont spécifiques, particulièrement le type et le nombre de langues de chaque pays. Beaucoup sont communs : la diversité sociolinguistique, le plurilinguisme, l’enseignement des langues maternelles et des autres langues, nationales ou étrangères, l’adaptation des langues au monde contemporain. Les questions sont très diversifiées, extrêmement complexes, et il n’a jamais été aussi nécessaire d’y voir clair. D’abord en raison de la prise de conscience du rôle de la langue dans l’organisation sociale, ensuite à cause des revendications nouvelles en matière d’authenticité culturelle, dont le thème le plus fréquent est celui de l’usage et de l’affirmation des langues nationales, enfin de par les nouvelles exigences concernant la connaissance et l’usage des langues étrangères dans tous les pays, d’où leur enseignement a une tranche de plus en plus grande de la population. Tous les gouvernements ont donc la responsabilité, relativement nouvelle, de procéder à l’aménagement linguistique de leurs pays.

Il y a donc, pour chacun, des décisions importantes, voire graves dans leurs conséquences, à prendre. Ces décisions sont de la responsabilité du pouvoir politique, qui voudra les fonder sur une connaissance précise des divers éléments qu’elles comportent, sur les avis et conseils que peuvent lui donner les spécialistes. D’où une collaboration, délicate et nécessaire, entre l’homme politique, qui doit décider, et l’homme de sciences, qui détient l’information propre à éclairer les réflexions de l’homme politique. De plus, ces décisions relèvent de l’autonomie de chaque pays; la coopération internationale peut apporter de précieux éléments d’information et de comparaison qui aideront à mieux choisir entre les diverses solutions possibles et à réaliser plus rapidement et plus économiquement la politique linguistique la mieux adaptée à chaque situation nationale.

Dans la plupart des pays, des spécialistes bien formés, plus ou moins nombreux, sont à l’œuvre, des moyens leur sont alloués selon les ressources des pays. Nous croyons qu’il est possible de tirer encore mieux partie de ces efforts et de ces investissements par une coopération internationale plus intense, plus systématique, plus diversifiée.

Recommandation n° 1

Nous recommandons à l’Agence de coopération culturelle et technique de prendre l’initiative de lancer un vaste programme de coopération internationale en matière de linguistique.

II

À la suite des missions d’information, il se confirme nettement qu’un centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée est tout à fait indispensable.

Un centre international pourrait :

Recommandation n° 2

Nous recommandons à l’Agence d’assurer la création d’un centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée, qui serait chargé du programme de coopération internationale, tel qu’il vient d’être défini, et lui fournir une part des moyens financiers nécessaires.

III

Ce centre international trouverait sa vocation et originalité en situant son action sur le plan scientifique et méthodologique, en ayant comme interlocuteurs permanents les centres nationaux et les chercheurs sur le terrain. Il s’agirait donc avant tout d’un centre d’animation, résolument orienté vers les problèmes que posent réellement les diverses situations linguistiques nationales et essentiellement préoccupé par l’élaboration de solutions théoriques et pratiques adéquates.

Recommandation n° 3

En conséquence, nous recommandons que. le Centre proposé ait pour vocation :

Recommandation n° 4

Nous recommandons également que les activités du Centre aient pour thèmes exclusifs les domaines linguistiques suivants :

IV

Le Centre proposé serait suscité par l’Agence; c’est elle, en effet, qui déciderait de sa création et qui lui fournirait une part importante de ses moyens.

Puisqu’il s’agit surtout ici de questions d’ordre scientifique, liées de près à l’activité universitaire, il paraît souhaitable que le Centre entretienne des relations organiques étroites avec l’AUPELF (Association des universités partiellement ou entièrement de langue française).

Le Centre serait en relation constante avec les chercheurs et spécialistes nationaux, les unités nationales de recherche et les organismes internationaux qui partagent les mêmes champs d’intérêt. Il devrait bénéficier auprès d’eux d’une grande crédibilité, autant de par le sérieux et la compétence de son personnel et la qualité de ses travaux que de par la liberté dont il jouirait.

Recommandation no 5

Nous recommandons :

V

Dans l’hypothèse où, après étude de ce rapport, le Conseil d’administration de l’Agence décide de recommander à l’Assemblée générale la création du Centre projeté, nous croyons qu’il serait opportun de préciser l’aspect financier du Centre et de mettre au point des projets de statuts. Pour ce faire, il faudrait que le Conseil d’administration formule son avis sur ce qu’il lui apparaît souhaitable que le Centre soit. Cet avis servira à préparer sa recommandation à l’Assemblée générale.

Recommandation n° 6

Nous recommandons en conséquence que le Conseil d’administration prenne l’initiative de faire préparer des projets de statuts du Centre proposé, de même qu’un devis financier.

Conclusion

L’AUPELF avait entrepris avec enthousiasme la tâche que lui confiait l’Agence de coopération en raison de l’évident intérêt d’une telle étude sur le plan scientifique comme sur le plan culturel. Elle l’a achevée avec le même enthousiasme mais aussi avec la conviction que l’objet de cette étude correspond à une profonde et pressante nécessité.

Nous sommes ici en effet face à l’un des problèmes fondamentaux de notre temps : l’évolution des langues et des rapports entre les langues c’est-à-dire, pour une large part, le problème de l’avenir des cultures et les conditions de ce dialogue des cultures, appelé par tant de voix mais qui est toujours a l’état de vœu. Le développement foudroyant des moyens de communication (et le proche avènement de la télématique risque de l’accélérer encore), du tourisme de masse, des échanges commerciaux aussi bien que scientifiques et culturels, posent en termes inédits la question des contacts entre les langues et, par là, entre les cultures.

Il ne s’agit donc point ici de théories linguistiques, de spéculation pure ou de technicité complexe, il s’agit d’un problème immédiat, capital et on ne peut plus concret. Il ne s’agit point d’envisager la création d’une sorte de lourde superstructure destinée à « coiffer » les organismes nationaux déjà existants et qui risquerait de les affaiblir, mais de susciter un instrument de coordination et de concertation à la disposition de ces centres nationaux et des pays membres de l’Agence. Celle-ci a au premier chef vocation pour aborder avec lucidité, avec continuité, avec conviction le problème du devenir des langues, des rapports entre elles, de l’enseignement des langues et, parallèlement, du perfectionnement des chercheurs et des enseignants. L’Agence est sans doute, par ses objectifs, sa taille, sa composition, un organisme idéal pour s’attaquer à ce grand problème et réaliser par là une entreprise qui aurait quelque chose d’exemplaire.

Elle a naturellement vocation pour ce faire; elle en a aussi les moyens dans la mesure où l’institution proposée doit être de taille modeste, doit s’appuyer en permanence sur les organismes nationaux de recherche linguistique et pourrait vraisemblablement compter sur un apport complémentaire de certains des membres de l’Agence. Celle-ci pourrait également bénéficier, pour cette entreprise, du concours et de l’expérience de diverses organisations francophones non gouvernementales.

Le rapporteur et le secrétariat de l’AUPELF ont retenu pour les structures et le fonctionnement de l’éventuel centre l’une des hypothèses possibles, celle qui leur paraissait devoir être la plus souple et la plus efficace. D’autres formules peuvent être envisagées comme d’autres appellations peuvent être retenues. Là, certes, n’est pas l’essentiel mais bien dans la création d’une institution apte à apporter une réponse scientifiquement et culturellement fondée à certaines préoccupations immédiates de nos pays mais apte aussi et surtout à définir les conditions et les moyens du salut de nos langues et d’un dialogue authentique des cultures. Car c’est la vitalité du singulier qui porte aujourd’hui la véritable promesse de l’universel, lequel est l’exact contraire de l’uniformité.

Annexe 1 – Calendrier des missions d’information

Annexe 2 – Liste des personnes consultées

ABEGA, Prosper
Chef du département des langues africaines et de linguistique
Université de Yaoundé (Cameroun)
ALAOUI, Aziz
Directeur de l’Imprimerie Mohamed V, Fès (Maroc)
ALEXANDRE, Pierre
Institut national des langues et civilisations orientales Paris
AMYOT, Léopold H.
Secrétaire général adjoint Agence de coopération culturelle et technique Paris
ATIN, Kouassi
Enseignant, chercheur, directeur de l’Institut de linguistique appliquée (ILA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
AUGER, Pierre
Directeur de la terminologie Office de la langue française du Québec
AUPECLE, Maurice
Directeur du Centre d’échanges pédagogiques, rattaché au Service culturel et de coopération de l’Ambassade de France en Algérie
BAL, Willy Professeur
Faculté de philosophie et lettres
Université catholique de Louvain (Belgique)
BALDE, Abdouliaye
Chercheur au Centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD) (Sénégal)
BERBE NJOH, Étienne
Chef du Centre national d’éducation (CNE) du Cameroun
BEIS, Gabriel
Conseiller culturel à l’Ambassade de France en Algérie
BEL BACHIR, Said
Secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur du Maroc
BENABDELJLIL, Abdellatif
Recteur de l’Université Mohammed V
Rabat (Maroc)
BENHAMLA, S.
Directrice de l’Institut des langues vivantes étrangères
Université de Constantine (Algérie)
BERRA, M.
Recteur de l’Université de Constantine (Algérie)
BIBEAU, Gilles
Vice-doyen aux Études Faculté des sciences de l’éducation, Université de Montréal
BLONDE, Jacques
Chercheur au Centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD) (Sénégal)
BOT BA NJOCK, Amin Marcel
Professeur, chercheur au Centre de recherche sur les langues et traditions orales africaines (CERELTRA) de Yaoundé
CALVET, Maurice
Conseiller culturel à l’Ambassade de France du Sénégal
CAPRILLE, Jean-Pierre
Chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Paris
CLERICI, Michel
Secrétaire général adjoint Agence de coopération culturelle et technique
Paris
COSTE, Daniel
Centre de recherche et d’étude pour la diffusion du français (CREDIF), Saint-Cloud
Paris
DE BESSÉ, Bruno
Chargé de mission
Haut comité de la langue française, Paris
DERBAL, Mongi
Chef du département de français de l’Institut Bourguiba des langues vivantes (Tunis)
DIEU, Michel
Chercheur au CNRS (Paris, détaché au Centre de recherche sur les langues et traditions orales africaines (CERELTRA) de Yaoundé, chargé du volet sociolinguistique ALCAM (Atlas linguistique du Cameroun)
DONEUX, Jean
Chef de la section des langues nationales, Centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD)
DUMONT, Pierre
Directeur du Centre de linguistique appliquée de Dakar (CLAD)
ÉHOLIE, Rose
Professeur au département de chimie de l’Université d’Abidjan, membre du Conseil d’administration de l’AUPELF
FAIK, Sully
Professeur à la faculté des lettres de l’Université nationale du Zaïre(campus de Lubumbashi), chercheur au Centre de linguistique théorique et appliquée de Lubumbashi (CELTA)
FERRARI, Jean
Conseiller culturel adjoint à l’Ambassade de France au Maroc
FOUCHÉ, Claude
Conseiller culturel à l’Ambassade de France au Cameroun
FRANÇOIS, Jacques
Directeur de la section française
de traduction à l’UNESCO
Paris
GAGNÉ, Gilles
Professeur, responsable du Programme de perfectionnement des maîtres de français à l’élémentaire, faculté des sciences de l’éducation,
Université de Montréal
GARMADI, Salah
Chef de la section de linguistique de l’Institut de planification, de statistique et d’études juridiques, économiques et sociales (ex-CERES), Tunis
GOFFIN, Roger
Chef de la terminologie automatisée
Bureau de terminologie
Commission des Communautés européennes
Bruxelles
GONTIER, Dominique
Chercheur au Centré de linguistique appliquée de Dakar (CLAD)
GRÉGOIRE, Henri-Claude
Enseignant-chercheur, directeur adjoint de l’Institut de linguistique appliquée (ILA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
HADJ-SALAH, M.A.
Directeur de l’Institut de linguistique et de phonétique d’Alger
HANSE, Joseph Président
Conseil international de la langue française, Paris
KOKORA DAGO, Pascal
Enseignant-chercheur à l’Institut de linguistique appliquée (ILA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
KNECHT, Pierre
Centre de dialectologie et d’étude du français régional Faculté des lettres, Université de Neuchâtel (Suisse)
KORCH, Mohamed
Ingénieur, responsable du département des arts et industries graphiques de l’Institut d’études et de recherches pour l’arabisation (IERA) de Rabat (Maroc)
LABELLE, Guy
Vice-doyen à la famille des lettres, Université du Québec à Montréal
LAFAGE, Suzanne
Chercheur à l’Institut de linguistique appliquée (ILA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
LAHJOMRI, Abdellatif
Directeur de l’École normale supérieure de Rabat (Maroc)
LAKHDAR-GHAZAL, Ahmed
Directeur de l’Institut d’études et de recherches pour l’arabisation (IERA) de Rabat (Maroc)
LEBOUL,Pierre
Chercheur au Centre de linguistique théorique et appliquée de Lubumbashi (CELTA), Zaïre
LEPAGE, Jean-Marie Responsable de la Direction des affaires d’Afrique, ministère des Affaires intergouvemementales Québec
MAAMOURI, Mohamed
Directeur de l’Institut Bourguiba des langues vivantes (Tunis)
MAHJOUBI, Ammar Directeur de l’École normale supérieure de Tunis, membre du Comité arabe de l’AUPELF
MANESSY, Gabriel
Directeur du Centre d’études des plurilinguismes, Institut d’études et de recherches interethniques et interculturelles
Université de Nice
MBASSI MANGA, Francis
Doyen de la faculté des lettres de l’Université de Yaoundé (Cameroun)
MORIN, Marc
Conseiller pédagogique auprès de l’Ambassade du Canada en Côte d’Ivoire
MOSTEFAI, A.
Directeur de l’École normale supérieure d’Alger
MUDIMBE, Valentin
Professeur à la faculté des lettres de l’Université nationale du Zaïre (campus de Lubumbashi), directeur du Centre international de sémiologie de Lubumbashi (CIS)
NDOUME MANGA, Samuel Directeur de l’Institut des sciences humaines de l’Office national de la recherche scientifique et technique (ONAREST) du Cameroun
NELLE, Samuel
Directeur général adjoint de l’Office national de la recherche scientifique et technique (ONAREST) du Cameroun
NJEUMA, Dorothy Vice-ministre de l’Education nationale du Cameroun
ORIOL, Michel
Directeur du Centre associé de formation aux relations interculturelles, Institut d’études et de recherches interethniques et interculturelles, Université de Nice
PATRIS, André Directeur
Maison de la francité Bruxelles
PIERRE, Max
Chercheur au Centre de linguistique théorique et appliquée de Lubumbashi (CELTA), Zaïre
PIRON, Maurice Professeur
Faculté de philosophie et lettres Université de Liège (Belgique)
POIRIER, Jean
Directeur du Centre d’anthropologie et de sociologie du développement Institut d’études et de recherches interethniques et interculturelles Université de Nice
QABLI, Mohamed
Doyen de la faculté des lettres de l’Université Mohamed V de Rabat (Maroc)
RENAUD, Patrick
Chercheur au Centre de recherche sur les langues et traditions orales africaines (CERELTA) de Yaoundé, responsable de l’ALCAM (Atlas linguistique du Cameroun)
RICHERT, Nicole
Assistante à l’Institut d’études et de recherches pour l’arabisation (IERA) de Rabat (Maroc)
RUMERIO, Giovanni Francesco Expert de l’UNESCO en informatique, détaché auprès de l’Institut d’études et de recherches pour l’arabisation (IERA) de Rabat (Maroc)
ROULET, Eddy
Professeur de linguistique française, Université de Genève. Collaborateur aux travaux de la section Éducation et Culture du Conseil de l’Europe en matière d’enseignement des langues secondes (« Un niveau-seuil »)
SANGARET, Marie-Thérèse Secrétaire général de l’Université d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
SOUNDJOCK, Emmanuel Chef du Centre de recherche sur les langues et traditions orales africaines (CERELTRA) de Yaoundé
TAKIZALA, M.
Professeur à la faculté des lettres de l’Université nationale du Zaïre (campus de Lubumbashi)
TASHDJIAN, Alain Professeur à la faculté des lettres de l’Université nationale du Zaïre (campus de Lubumbashi), chercheur au Centre de linguistique théorique et appliquée de Lubumbashi (CELTA)
TAZI, Abdelwahab
Doyen de la faculté des lettres de l’Université de Fès (Maroc)
THOMAS, Paule
Chercheur à l’Institut de lingui-tique appliquée (ILA) d’Abidjan (Côte d’Ivoire)
TSHIBANGU TSHISHIKU, Monseigneur Recteur de l’Université nationale du Zaïre
WALD, Paul
Chercheur au CNRS, détaché au Centre d’étude des plurilinguismes, Institut d’études et de recherches interethniques et interculturelles Université de Nice
YALAOUI, Mohamed
Doyen de la Faculté des lettres de Tunis
ZACHARIEV, Zacharie UNESCO, Paris

Annexe 3 – Protocole d’entrevue

Ce protocole n’a d’autre intention que d’indiquer les thèmes qui serait traités et d’aider les personnes consultées à préparer notre rencontre.

Annexe 4 – Groupe de réflexion

À la suite des missions d’information, deux documents de travail ont été préparés, l’un traitant de la vocation du futur organisme, l’autre des structures et modalités de son fonctionnement. Ces documents ont été soumis à l’attention d’experts, réunis à Paris à cette fin les 26, 27 et 28 juin 1978, et dont les noms suivent :

Annexe 5 – Principaux organismes nationaux et internationaux de recherche linguistique

Annexe 6 – Bibliographie

Référence bibliographique

Corbeil, Jean-Claude, Langue et société. Étude préalable à la création d’un centre international de recherche en linguistique fondamentale et appliquée, Montréal, Association des universités partiellement ou entièrement de langue française et Agence de coopération culturelle et technique, coll. « Document », no 1, 1986 [novembre 1978], 89 p. [rapport]