Les conditions de succès des lois à caractère linguistique
Jean-Claude Corbeil
La promulgation de lois sur l’emploi de la langue française a semblé et semble à plusieurs une mesure de dirigisme linguistique. Il nous apparaît nécessaire d’examiner attentivement cette question, d’abord parce que la notion de dirigisme linguistique nous semble très floue, ensuite et surtout parce que l’intervention juridique de l’État dans le domaine de la langue met brutalement en relief l’existence et le mode de réalisation du contrôle social sur la langue.
Nous nous proposons d’abord de décrire ce qu’on entend généralement par dirigisme linguistique, ensuite de suggérer des repères à partir desquels on peut situer la signification de l’intervention juridique, enfin d’essayer d’estimer le succès de l’application des lois relatives à l’emploi de la langue.
Le dirigisme linguistique
L’expression « dirigisme linguistique » est l’une de celles que l’on utilise sans qu’une signification bien précise et bien décrite y soit attachée. Sans avoir pu mener une étude exhaustive des emplois de l’expression dans divers contextes et par des auteurs différents, étude qui donnerait les éléments d’une définition, nous puisons dans notre expérience les traits suivants, qui nous semblent situer le concept.
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a) En général, l’expression est péjorative. Elle est surtout utilisée par ceux qui condamnent certaines tentatives ouvertes et déclarées, menées par des personnes connues, d’intervenir dans l’usage linguistique. Ainsi, on assimile les chroniques de langue au dirigisme linguistique : on se demande pourquoi et au nom de quoi telle personne, dans tel journal ou lors de telle émission de radio et de télévision, condamnerait tel mot ou telle tournure.
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b) Elle est souvent liée à la querelle entre deux types d’acteurs linguistiques, que nous ramenons grossièrement à deux caractères, comme dans la commedia dell’arte : le Grammairien et le Linguiste.
Le Grammairien serait interventionniste, le Linguiste serait observateur et analyste. Le Linguiste accuse le Grammairien de dirigisme linguistique, le Grammairien accuse le Linguiste de laxisme et d’insensibilité à l’égard de l’intérêt linguistique commun. En général, ce type de débat ne s’élève guère. L’intelligence vole bas et les nuances n’existent pas. C’est une sorte de western linguistique avec un bon vêtu de blanc et un méchant vêtu de noir. Il y a du Lucky Luke là-dedans’.
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c) L’expression s’applique à des types d’intervention en général faciles à repérer et à observer (exemple, une chronique de langue), relativement superficiels par rapport à la complexité de l’organisation sociale.
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d) Nous observons, chez ceux qui condamnent le dirigisme linguistique, une certaine naïveté : on dirait, à les écouter parler, que cette institution sociale par excellence qu’est une langue fonctionne sur sa propre lancée, d’après ses propres lois, sans subir le moindre contrôle, sans être orientée d’aucune manière par les acteurs sociaux. Si un mécanisme complexe où le contrôle du groupe sur l’institution a, comme contrepartie, le respect de l’institution par le groupe, un mécanisme en somme où l’institution contrôle le groupe qui la contrôle aussi, si un tel mécanisme caractérise le mode d’existence des institutions au sein de la société, comment alors croire que la langue échapperait, elle, à ce mécanisme? Ou bien la langue est une institution sociale, et alors le contrôle social sur elle existe, ou bien elle n’en est pas une, ce que personne ne soutiendrait.
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e) Enfin, l’expression ne se rencontre jamais dans le vocabulaire scientifique, soit de la linguistique, soit de la sociolinguistique, soit de la sociologie ou de l’anthropologie culturelle. Il semble que ce soit un terme qu’on utilise surtout dans les polémiques.
Nous ne croyons pas opportun d’essayer de donner un statut scientifique à l’expression « dirigisme linguistique » pour les deux raisons principales suivantes :
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a) Ce concept repose sur une analyse extrêmement superficielle du mécanisme social complexe par lequel un groupe contrôle et oriente la langue qui sert de moyen de communication entre ses membres et de moyen d’intégration des individus dans le groupe.
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b) L’expression est une arme de combat, donc qui ne peut laisser la sérénité nécessaire à la réflexion et à la description du réel. Si on l’utilise, on s’engage dans un labyrinthe de préjugés où l’intelligence et le jugement se perdent.
Quant à nous, nous continuerons d’utiliser l’expression « aménagement linguistique » pour désigner l’ensemble des dispositions sociales qui influenceront le comportement linguistique des individus au sein de la société .
À cette fin, nous proposons la série de repères qui suivent, qui sont de deux ordres : sociologiques et linguistiques. Ils nous aideront lorsque nous tenterons d’évaluer les chances de succès des lois sur l’emploi de la langue.
A. Repères sociologiques et anthropologiques
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1. Tout groupe social organisé dispose de moyens de contrôle sur chacune de ses institutions, y compris sur la langue.
Dans le cas précis de la langue, il arrive que :
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a) Ce n’est que tout récemment, et chez un nombre très restreint d’observateurs, que la conscience du contrôle social sur la langue s’est manifestée. Affirmer que c’est l’usage qui fait la langue apparaît alors un faux-fuyant, car la question suivante s’enchaîne : qui fait l’usage? Des phénomènes très familiers changent ainsi d’apparence : l’école, la langue écrite, la publication des dictionnaires, l’activité descriptive même des linguistes et ses résultats ne seraient-ils pas des aspects du contrôle social ?
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b) Personne n’a encore tenté de décrire le fonctionnement du contrôle social sur la langue. Mais cela ne veut pas dire qu’un tel contrôle n’existe pas.
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2. Dans tout groupe, si petit soit-il, il existe une norme de comportement linguistique qui indique à l’individu les limites à l’intérieur desquelles il doit rester s’il veut être compris et accepté.
La langue est un puissant moyen d’intégration sociale. C’est la forme première et immédiatement observable de la solidarité du groupe et de l’adhésion de l’individu au groupe.
Les premiers indices du fait qu’un ou plusieurs individus quittent le groupe sont souvent linguistiques : changement d’accent, de vocabulaire surtout, de langue parfois dans les cas de coexistence de plusieurs langues sur le même territoire.
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3. La société globale étant constituée de plusieurs groupes sociaux plus ou moins identifiés et identifiables, la concurrence entre les groupes se manifeste, entre autres, par la concurrence entre les normes linguistiques.
Nous affirmons :
- a) qu’il y aura toujours, dans les sociétés, des normes linguistiques qui coexisteront, en concurrence plus ou moins violente.
- b) qu’il y aura toujours l’une d’elles qui sera dominante.
Dans la lutte sociale, ce qui est en cause, ce n’est pas la suppression de la disparité linguistique, qui existera toujours, mais le choix de la norme dominante.
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4. La question du respect de la norme dominante par l’individu doit être examinée dans la perspective du rapport d’interinfluence de l’individu et de la société.
Deux aspects de la question nous semblent pertinents au sujet traité ici :
- a) Chaque individu n’est pas tenu au respect de la norme dominante. D’une part, il y a des pans complets de la société qui vivent en marge. D’autre part, il y a des moments où l’individu y échappe sans répercussions gênantes (aspect ludique du langage, aspect esthétique, caractère familier de la communication).
- b) Il est plus facile de contrôler la langue des institutions sociales que celle des individus.
Les lois sur l’emploi de la langue s’attachent surtout à définir le comportement linguistique d’aspects institutionnalisés de la société.
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5. La lutte entre les langues, par exemple entre le français et l’anglais, est le reflet de la lutte entre les économies de chaque nation ou groupe de nations qui utilisent ces langues.
Il s’ensuit, surtout par le commerce et l’installation des sociétés multinationales, une rupture dans les mécanismes normaux de contrôle linguistique, d’où la nécessité d’une intervention plus solennelle par le biais d’une loi.
Ceci pour les repères d’ordre anthropologique et d’ordre sociologique. Je passe maintenant aux repères d’ordre linguistique proprement dit.
B. Repères d’ordre linguistique
Je vous propose trois séries de distinctions. Le premier concept dont il faudrait tenir compte, c’est celui de langue commune. Depuis deux jours, il semble se dégager une sorte d’unanimité entre vous sur l’idée que la langue commune échappe jusqu’à un certain point au contrôle juridique.
La langue commune est un peu paradoxale. D’une part, c’est le domaine du consensus et d’un consensus assez marqué sur un certain nombre de mots et de sens attribués à ces mots. C’est ce consensus qui permet la compréhension à travers la société et avec les sociétés apparentées. Cependant, la langue commune est aussi le domaine où se manifeste davantage la personnalité de l’individu, c’est-à-dire le domaine où la liberté stylistique est la plus grande.
En comparaison avec la langue commune, il y a les vocabulaires, parce que, quand on parle de langue, il faut surtout parler de vocabulaire. Il y a les langues technique et scientifique et tout particulièrement celle des sciences exactes. Ces vocabulaires des sciences exactes ou des techniques ont deux caractéristiques qui se sont dégagées depuis que nous avons réfléchi et mené des expériences dans ce domaine. La première, c’est que ces langues, ces vocabulaires ont une tendance marquée et naturelle vers la normalisation, par volonté de supprimer toute source d’ambiguïté. Et nous avons observé, au cours de nos travaux, qu’une langue technique vise comme idéal la normalisation. Un ingénieur espère qu’un autre ingénieur utilisera exactement la même terminologie que lui, en attribuant aux mots le même sens. Les hommes de sciences, les techniciens n’aiment pas l’ambiguïté terminologique. Dans ces domaines, les usagers ont un besoin conscient d’un consensus minutieux pour assurer l’efficacité de la communication.
La troisième s’applique au vocabulaire des sciences humaines où nous avons également remarqué une tendance à la normalisation. Comme les spécialistes des sciences exactes, ceux des sciences humaines ont tendance, eux aussi, à se donner un vocabulaire normalisé. Mais il y a en même temps l’impossibilité d’arriver à une normalisation absolue, parce que les sciences humaines sont liées de très près à des idéologies, à des écoles de pensée, qui se caractérisent chacune par une manière de voir les choses ou par un certain nombre de postulats théoriques qui font que les vocabulaires sont différents. Nous avons tenté, par exemple, de normaliser un vocabulaire de l’économie avec des définitions; nous n’avons jamais réussi à mettre les experts d’accord sur les définitions des termes. Ils étaient d’accord sur les termes, mais pas sur les définitions. L’un concevait la plus-value d’une certaine façon et l’autre avait une optique différente de la même réalité. Il est donc difficile, pour cette raison, d’arriver à une véritable normalisation linguistique dans les sciences dites humaines, de même qu’une intervention dans le domaine technique a plus de chances de succès que celle que l’on ferait dans la langue commune, parce qu’elle correspond à des désirs et à des besoins manifestés par les usagers.
La deuxième distinction serait celle que l’on peut faire entre la langue de l’individu et la langue de l’institution.
La langue de l’individu : L’individu a la plus entière liberté d’utiliser la langue comme il le veut. C’est un peu comme pour le vêtement. Le contrôle social sur le vêtement existe, mais l’individu a la liberté de se vêtir comme il veut, ou de ne pas se vêtir du tout. C’est à ses risques. L’individu a une très grande liberté de choisir ses comportements. Ce n’est pas en cela qu’il aura des ennuis mais quand il se heurte aux institutions. Sur le plan linguistique, la conclusion que j’en dégage c’est que ce n’est pas la langue de l’individu qu’il faut normaliser.
La langue de l’institution : L’institution a un certain nombre de caractères. D’abord, elle détient un pouvoir d’entraînement considérable. Par exemple, une société multinationale, à travers tous ses comportements linguistiques, représente vraiment une force d’entraînement non négligeable. L’institution participe à la définition de la société globale d’une manière significative. La façon dont l’institution se comporte fait partie de la définition de la société; elle est un acteur social important. L’individu, pour sa part, peut se comporter comme il veut et cela n’a pas du tout le même impact, à moins qu’il se constitue en association et devienne à ce moment une institution.
L’institution peut perturber complètement un projet collectif si elle décide de se mettre en marge. C’est le cas des sociétés multinationales, par exemple, qui s’installent dans un pays et n’utilisent pas la langue qui y est parlée. Enfin, l’institution dispose des moyens nécessaires pour définir sa norme et pour que ses comportements puissent s’y conformer. Il y a un contrôle possible à l’intérieur d’une institution.
La langue remplit différentes fonctions. Mais l’analyse et l’identification de ces fonctions ne sont guère avancées. En outre, elles sont mal décrites, ce qui gêne le développement d’une théorie de l’intervention linguistique qui respecte ces fonctions. Pour éclairer nos discussions, il est pertinent d’en identifier trois, que je tenterai de nommer ainsi :
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1. la fonction d’intégration sociale ou de cohésion sociale, c’est-à-dire que la langue contribue à réunir les individus de la communauté qui la parle;
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2. la fonction esthétique, c’est-à-dire celle qui échappe à l’intervention. En effet, peut-on imaginer qu’on veuille normaliser, contrôler la langue des écrivains?
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3. la fonction de communication officielle, c’est-à-dire l’utilisation de la langue où il y a un caractère officiel d’attaché à la communication. Ce sont, par exemple, la langue de la radio, de l’enseignement, des textes de loi, des imprimés administratifs, en somme les types de communications qui appartiennent â la langue publique et qui ne correspondent pas non plus aux mêmes règles d’usage que la fonction esthétique.
Après avoir brièvement analysé ces fonctions bien distinctes de la langue, on peut esquisser une réponse à la question suivante : l’intervention juridique dans le domaine linguistique a-t-elle des chances de succès? Plus précisément, dans quelles fonctions de la langue peut-elle réussir? Pour ma part, j’estime que l’intervention juridique réussira, et mon opinion repose sur les éléments suivants :
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1. Les lois ne visent pas la totalité des comportements linguistiques au sein de la société. Elles respectent la liberté de l’individu et fixent uniquement l’usage institutionnalisé de la langue, par exemple, la langue de l’administration publique, la langue des institutions financières et commerciales, la langue des sociétés et des entreprises. Les institutions sont contrôlables, comme j’ai tenté de le démontrer précédemment.
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2. Ce sont surtout les vocabulaires techniques et commerciaux qui sont touchés. Or, comme nous l’avons déjà dit, la tendance de ces vocabulaires à la normalisation est assez marquée et cela, avec ou sans la loi.
Au fond, la loi vient aider la normalisation qui est souvent difficile, s’il n’y a pas d’arbitre. La Communauté économique européenne s’est donné un vocabulaire des douanes bien avant qu’il y ait des lois exigeant l’étiquetage en plusieurs langues. C’était pour que les douaniers puissent appliquer les bonnes taxes aux bons produits.
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3. Il faut s’assurer que l’application de la loi repose sur le respect de la norme dominante, dans la société. Cette norme devra être définie avec le plus grand soin. Nous avons, nous les linguistes, une certaine méfiance à l’égard des dictionnaires que nous estimons ne pas refléter parfaitement la norme dominante à l’intérieur d’un groupe. Comme Alain Rey l’a déjà signalé, il faut tenir compte des variations géographiques. Ce qui est français au Québec n’est pas nécessairement ce que contient Le Petit Robert. Il peut y avoir d’importantes variations sémantiques dans l’usage d’un terme employé ici, par rapport à d’autres communautés linguistiques, de sorte que si l’on prend le Robert pour interpréter un texte publié au Québec, on peut arriver à des contresens sur le plan strictement juridique, attribuables à une variation linguistique d’une communauté à l’autre. Le mot chaloupe défini dans le Robert n’est peut-être pas du tout la barque à laquelle pensent les Québécois quand ils parlent d’une chaloupe.
On va essayer de pallier ces difficultés par la normalisation, soit de la part de la Régie de la langue française, soit par l’intermédiaire des commissions de terminologie que la loi propose de créer.
Si certaines conditions sont respectées, les récentes dispositions législatives seront certainement efficaces.
Période de questions
[...]
M. Laporte aimerait qu’on l’éclaire sur un concept qui revient souvent dans la discussion et qui est celui de norme dominante. Il lui apparaît que l’une des tendances de l’évolution des sociétés modernes, c’est précisément la dénationalisation des normes dominantes, l’apparition d’un manque de consensus général dans les sociétés. Le problème se pose peut-être différemment en sociolinguistique, mais l’idée de réintroduire une norme dominante lui paraît difficilement soutenable, surtout dans un contexte comme celui du Québec caractérisé par le bilinguisme, le développement du pluralisme social et la montée de 1‘égalitarisme.
Ce problème énorme n’est pas facile à résoudre, de répondre M. Corbeil. La seule réponse qu’il pourrait faire à ce moment, c’est la proposition de distinguer entre une position théorique, affirmée en principe, qui veut qu’un comportement social se modèle sur quelque chose, que 1’on peut appeler une norme dominante, ou une norme tout court et, d’un autre côté, celle d’examiner la crise des sociétés dites évoluées, qui se caractérisent justement par l’affirmation simultanée de plusieurs normes dont la dominance est contestée. Les deux phénomènes, selon lui, sont vrais concurremment.
À son avis, une caractéristique des sociétés postindustrielles, c’est le fait qu’il y ait une rupture entre l’identification du projet collectif et l’adhésion aux normes que s’étaient données ces sociétés, avant que la crise ne se produise. On peut faire une analogie entre le débat qui fait l’objet de ce colloque et la question de l’avortement.
Il y a un texte juridique qui correspond à un consensus antérieur. La société remet en cause ce consensus, les avis sont partagés, mais le texte de loi demeure, de sorte qu’on aboutit à une crise entre l’affirmation de deux manières de concevoir la question. Reste le troisième élément, qui est la façon dont une société définit son projet collectif et la norme qui s’ensuit. Ce problème est celui de la dynamique de toute l’organisation sociale et déborde le cadre de ce colloque.
Référence bibliographique
Corbeil, Jean-Claude, « Les conditions de succès des lois à caractère linguistique », Pierre Auger et Louis-Jean Rousseau (dir.), avec la collaboration de Rosita Harvey, Jean-Claude Boulanger et Jean Mercier, Les implications linguistiques de l’intervention juridique de l’État dans le domaine de la langue, Actes du Colloque international de sociolinguistique, Françoise Hudon (rédactrice), Lac-Delage, du 3 au 6 octobre 1976, Québec, Office de la langue française, Éditeur officiel du Québec, mars 1978, p. 155-164. [article]