Les marques d’usage comme technique de description des aspects connotatifs du lexique

Jean-Claude Corbeil
Éditions Québec-Amérique

1. Introduction

Le programme me confie le sujet suivant : « Concepts de base relatifs à la norme. Ensemble de facteurs et de critères dont il faut tenir compte pour l’établissement de grilles sociolinguistiques ». C’est le sujet valise par excellence, tellement vaste à traiter qu’un court texte ne peut en rendre compte qu’en référence à des travaux antérieurs, qu’en référence aussi à l’ensemble de notre information, aux uns et aux autres.

Pour ma part, le meilleur point d’ancrage, pour traiter de ce sujet, me semble être de concentrer mes propos sur l’analyse sociolinguistique qui fonde toute la pratique des marques d’usage. Nous aurons ainsi un fil conducteur qui nous permettra de brosser à grands traits, et sans souci d’originalité, la problématique des marques d’usage par rapport à ce qu’il est convenu d’appeler la norme.

Il nous faut, tout d’abord, rappeler la relation entre structure de la société et comportement linguistique varié des locuteurs et décrire le mode de régulation linguistique qui en découle à l’intérieur de toute communauté linguistique. Car la variation linguistique est un fait objectif et observable par quiconque, et non une invention de linguistes; de même qu’il existe une norme du bon usage du français au Québec, qui s’impose à tous, en langue parlée et en langue écrite, quoi qu’on en dise. C’est la manière de décrire cette variation et la norme qui la gouverne qui est litigieuse dans notre société, surtout chez les non-spécialistes, à cause de l’image que renvoie la description de notre usage de la langue aux membres de notre communauté linguistique et que beaucoup jugent dévalorisante.

Du seul point de vue de la description du lexique, cette analyse met en relief la double facette du mot : le sens, c’est-à-dire sa charge sémantique, et la connotation, c’est-à-dire sa charge sociale et affective. Les marques d’usage sont, en définitive, une tentative, de la part des lexicographes, de décrire la ou les connotations du mot, dont découle une pratique que nous avons l’intention d’examiner et de discuter.

Nous nous proposons également d’examiner la fonction sociale du dictionnaire et de mettre en contraste les attentes des utilisateurs (et acheteurs) de dictionnaires par rapport aux a priori et objectifs des lexicographes québécois. La publication de divers dictionnaires au Québec, d’orientations éditoriales différentes, nous donne suffisamment d’indices pour qu’on puisse se faire une bonne idée du problème.

Sur cette base, nous essaierons d’indiquer les directions à prendre pour renouveler la pratique des marques d’usage en lexicographie.

2. La mosaïque linguistique

Nous examinerons cette question du point de vue de la communauté linguistique québécoise.

La communauté linguistique de langue française au Québec n’est pas homogène.

Elle se subdivise en sous-groupes, constitués chacun par un ensemble de locuteurs plus ou moins nombreux qui font un même usage de la langue, usage que l’on met en corrélation avec une ou plusieurs caractéristiques que les membres des sous-groupes partagent. En général, on retient comme facteurs de regroupement les caractéristiques suivantes : le niveau socio-économique, le niveau de scolarité, la dichotomie ville/campagne, la région de résidence ou de provenance, l’âge, le type d’activité professionnelle, enfin, depuis peu, la culture d’origine dans le cas des immigrants francophones.

Du point de vue linguistique, cette hétérogénéité de la communauté entraîne une double série d’indices d’appartenance : les indices communs à tous les membres de la communauté et qui les identifient comme locuteurs québécois du français, et les indices propres à un sous-groupe particulier et qui les identifient comme membres de ce sous-groupe. Remarquons qu’un même locuteur peut appartenir à différents sous-groupes à la fois selon le ou les facteurs retenus pour les définir.

Cette communauté renvoie à une culture, définie par un passé, des traditions, des institutions, un mode de vie, un espace et un climat.

La culture joue le même rôle qu’une nappe phréatique : elle irrigue tous les comportements des membres de la communauté, y compris le comportement langagier. Elle est, elle aussi, hétérogène, composée d’éléments partagés par le plus grand nombre et qui la distinguent des autres cultures, et d’éléments particuliers à l’un ou l’autre des sous-groupes qu’elle comprend et qui constituent des infracultures, par exemple la culture rurale par rapport à la culture urbaine.

Au plan du lexique, l’hétérogénéité de la culture se manifeste de deux manières. Les mots qui renvoient à des éléments fondamentaux de la culture s’imposent à tous comme nécessaires et ont, de ce fait, un statut de légitimité : par exemple, ceux qui renvoient aux institutions politiques, scolaires ou administratives. Les mots qui correspondent à des éléments propres à un sous-groupe et à une culture particulière ont des statuts variables selon l’importance et la renommée du sous-groupe lui-même : par exemple, certains mots du vocabulaire des personnes âgées sont considérés comme vieux jeu et sont même inconnus des jeunes; ou encore l’usage de certains anglicismes est interprété comme signe d’un locuteur peu instruit, alors que d’autres font snobs ou branchés, selon le sous-groupe d’appartenance des locuteurs qui les emploient.

La communauté linguistique québécoise de langue française s’est profondément modifiée au cours des trente dernières années.

On observe alors une nette tendance à l’uniformisation des usages linguistiques sous l’influence de l’urbanisation rapide et de la démocratisation de l’enseignement, sous l’influence également de la radio et de la télévision. On note aussi l’intensification du sentiment d’appartenance à une culture particulière qui se manifeste, sur le plan linguistique, par la volonté de se réclamer d’un usage québécois de la langue française, au lieu de s’en excuser ou de tenter de le cacher.

Les contacts avec d’autres communautés de langue française, surtout avec la France, se sont intensifiés.

On note ici des réactions et des attitudes variées à l’égard de l’une ou de l’autre de ces diverses communautés.

Avec les autres communautés hors la France, on observe chez les locuteurs québécois une attitude fondamentale de solidarité dans la différence par rapport à l’usage français, notamment parisien, un sens profond de la valeur de la variante québécoise si on la compare aux autres et des appréciations fort diverses de chacune des autres variantes.

Les attitudes par rapport à la France sont très particulières et très paradoxales. Fondamentalement, nous savons que la langue française du Québec est un rameau de la langue de France que nos ancêtres ont apporté en terre d’Amérique et nous tenons à conserver et à protéger ce lien de filiation, malgré et avec les différences d’usage que le temps et l’Histoire ont fait surgir entre les deux communautés. Curieusement, la plupart des Québécois ont tendance à idéaliser la langue parlée et écrite en France en la réduisant à la langue soutenue urbaine et en oubliant les autres usages, ou en n’en tenant pas compte, en faisant comme s’il n’y avait que le seul usage standard de la langue en France et comme s’il n’y avait que les locuteurs québécois qui varient mais pas les locuteurs du français en France même. Nous avons la conviction très nette que l’avenir de la langue française au Québec est lié de près à l’avenir de la langue française en France comme langue nationale, en Europe comme langue européenne importante et dans le monde comme langue de la francophonie et langue internationale, mais nous doutons que les Français en soient également conscients et convaincus, en dehors des milieux politiques de la francophonie. Du moins, leur peu de conviction à affirmer et défendre l’usage du français et leur engouement pour l’anglais nous inquiètent, nous déçoivent, nous scandalisent et nous mettent en rogne. En somme, nos relations avec la France et les Français sont des relations d’amour/haine.

De nos relations avec la France et avec l’ensemble de la communauté internationale de langue française découlent des effets sur la conception d’un dictionnaire de l’usage québécois. D’une part, les locuteurs du Québec tiennent à maintenir le lien le plus étroit possible avec l’usage français et ils n’entretiennent aucune intention de séparatisme linguistique par rapport à la France. D’autre part, les Québécois savent qu’ils sont différents, qu’il y a des différences impossibles à gommer, que certaines sont nécessaires et d’autres moins, parce qu’elles sont, pour ainsi dire, du domaine de la stylistique, et à cet égard, les locuteurs croient qu’un dictionnaire doit les aider à faire le tri dans ce magma d’usages en coexistence quotidienne et les aider également à choisir une stratégie de communication adaptée aux circonstances.

Enfin, l’expérience du contact international a rendu les Québécois conscients de l’existence d’une langue commune à tous les francophones du monde, que l’invention du terme français international a cristallisé dans la symbolique francophone.

Ce terme vaut ce que vaut le sens qu’on lui attribue. Si on entend par là cette langue commune qui assure l’intercompréhension entre tous les francophones, c’est une valeur à laquelle tous les Québécois tiennent, par souci de solidarité et d’efficacité. Si on entend une manière d’hiérarchiser les usages linguistiques de tous les francophones sur la base de l’usage français soutenu urbain, en reléguant les variantes dans une sorte de purgatoire de la description des usages, cela devient une idéologie, impossible à fonder du point de vue sociolinguistique et qui se heurte à la fois aux faits et au sentiment d’appartenance à une communauté linguistique et à une culture.

Aucune communauté linguistique n’est homogène.

Ce que nous avons dit de la communauté québécoise vaut, mutatis mutandis, pour toute communauté, y compris la communauté française. Ainsi, par exemple, Damourette et Pichon (d’après Guiraud, 1965 : 6), pour rendre compte de la diversité des usages en France, distinguaient l’usance, langue telle qu’elle est parlée en un lieu donné, par exemple Marseille (langue régionale?), la parlure, langue parlée par les personnes d’un niveau social donné, la disance, langue parlée par ceux qui exercent un métier particulier (les langues de spécialité?) et le jargon, langue parlée dans un cénacle, dans un milieu d’initiés.

En général, l’analyse du phénomène des parlures, en France, s’effectue selon la perspective de l’analyse de la société en classes sociales. Ainsi, le propos suivant de Damourette et Pichon est très révélateur de la manière de traiter la chose : « Il y a des habitudes caractéristiques de tel ou tel niveau social. Dans chaque classe, les individus recourent aux vocables et aux tournures qui sont consacrés par les mœurs de cette classe; leur parler suffit ainsi, bien souvent, à faire reconnaître, au premier abord, le degré d’affinement auquel leur famille est parvenue. (...) Il serait par trop schématique de distinguer un nombre déterminé de parlures françaises, car les divers étages de la société interfèrent. Néanmoins il existe aux deux extrémités de l’échelle deux parlures bien définies : la parlure bourgeoise et la parlure vulgaire » (d’après Guiraud, 1965 : 9). Pierre Guiraud remarque cependant que « nous assistons à une intégration des classes sociales. À ce sujet, on relèvera que la parlure bourgeoise dans son usage familier présente de nombreux traits communs avec la parlure vulgaire. Il est notable, par ailleurs, que l’écart entre le français populaire et le français familier (d’usage cultivé) se réduit chaque jour. Cela tient, d’une part, à l’accès à la culture des classes populaires (scolarisation, information); au fait, d’autre part, que beaucoup de locuteurs bourgeois adoptent ou acceptent de plus en plus des formes vulgaires (voire argotiques). » (1965 : 9-10). Ce phénomène d’intégration des parlures s’est nettement accéléré depuis lors en France.

3. La régulation linguistique

Nous avons proposé le terme de régulation linguistique pour désigner « le phénomène par lequel les comportements linguistiques de chaque membre d’un groupe ou d’un sous-groupe donné sont façonnés dans le respect d’une certaine manière de faire sous l’influence de forces sociales émanant du groupe ou de ses sous-groupes » (Corbeil, 1983 : 283).

La régulation linguistique fonctionne dans chacun des sous-groupes de la mosaïque linguistique. Il y a donc autant de normes de comportement langagier qu’il y a de sous-groupes dans la communauté. Elles coexistent toujours, même si l’une d’entre elles s’impose comme norme dominante, norme qu’on désigne en général, et en raccourci, la norme, comme s’il n’y avait qu’elle dans le système de la régulation.

La régulation linguistique se distingue de l’aménagement de la langue en ce qu’elle s’exerce inconsciemment au sein de la communauté linguistique alors que l’aménagement de la langue implique une intervention consciente dans le processus de l’usage de la part de personnes qui ont l’intention d’orienter l’évolution linguistique en faveur de l’un des usages. Elle se distingue également de la standardisation linguistique qui se présente comme une opération d’ordre linguistique dont l’objectif est de définir explicitement des formes de la langue qui pourront servir de normes pour l’usage officiel, norme d’orthographe, norme de prononciation, norme grammaticale, norme lexicale et terminologique, alors que, dans la régulation linguistique, la norme de chaque sous-groupe et du groupe (norme dominante) sont implicites quoique connues de tous et admises.

Nous avons déjà tenté une première esquisse d’explication du mode de fonctionnement de la régulation linguistique, où nous identifiions les principaux facteurs qui façonnent les comportements langagiers individuels et proposions quatre principes qui fondent l’efficacité relative de la régulation linguistique. Il nous semble pertinent à l’objet de la table ronde de revenir rapidement sur ces points. Les facteurs que nous avions alors isolés sont les suivants : l’apprentissage primaire de la langue, c’est-à-dire l’apprentissage de la langue dans la toute première enfance sous la seule influence de la norme du milieu de vie, milieu familial d’abord, milieux environnants ensuite; l’École, c’est-à-dire, en premier lieu, l’apprentissage systématique de la langue et la formation d’une conscience linguistique en faveur de la norme dominante, en deuxième lieu l’apprentissage continu de la langue sous l’influence et de par les contraintes spécifiques des milieux de travail successifs; les communications institutionnalisées comme proposant un modèle de langue prestigieux et répétitif; enfin, l’appareil de description linguistique comme véhicule de la forme standard de la langue. Quant aux principes qui expliqueraient l’efficacité relative de la régulation linguistique dans une société complexe, nous ne ferons ici que les rappeler. Le principe de convergence : la régulation linguistique est d’autant plus forte au sein du groupe que tous les facteurs privilégient l’usage de la même variante de la langue; le principe de dominance : au sein du groupe, l’usage linguistique qui prédomine est celui des sous-groupes qui contrôlent les institutions; le principe de persistance : le maintien d’un même usage dominant d’une époque à l’autre malgré ses propres variations temporelles consolide la régulation linguistique en sa faveur; le principe de cohérence : au-delà des variations des normes de chaque sous-groupe par rapport à la norme dominante, il existe un ensemble d’éléments formant système qui constituent la spécificité même de la langue et qui autorégularisent le fonctionnement du système linguistique de chacune de ses variantes.

À la même époque et sans faire référence à la notion de régulation linguistique, Pierre Bourdieu, dans Ce que parler veut dire (1982), propose une analyse de la concurrence des usages qui présente de nombreuses analogies avec l’esquisse précédente. Nous pourrions résumer l’analyse de Bourdieu de la manière suivante. Les habitus linguistiques, c’est-à-dire, en somme, la compétence linguistique de chaque locuteur définie par sa double facette de connaissance des possibilités de la langue et d’évaluation de la manière d’en user, produisent, à l’intérieur de la communauté linguistique, des styles de langue variés qui engendrent un marché linguistique global. Ce marché linguistique s’organise autour d’un usage légitime, d’un usage dominant, qui se trouve conforté, renforcé par des rites d’institution, comme le Champ littéraire, l’École, l’Appareil de description, etc. Les règles du marché attribuent une valeur, un prix, à chacun des styles, d’où la régulation de la concurrence sociale entre les différents styles, un profit de distinction pour ceux qui maîtrisent l’usage légitime et, pour chaque locuteur, l’expérience personnelle et quotidienne de la valeur sociale des usages linguistiques, de par les réactions des autres à l’égard de sa propre production langagière.

De ce qui précède nous tirons des remarques à propos des dictionnaires. Ils font partie, à l’évidence, des rites d’institution, ils sont même le produit le plus usuel, le plus répandu, le plus populaire, de tous les ouvrages traitant de la langue. Plus spécifiquement, ils ont pour objet la description d’une partie du lexique de la langue, ou bien celui du seul usage légitime dans le cas des dictionnaires à orientation normative, ou bien, dans le cas des dictionnaires d’orientation descriptive, un ensemble plus grand de vocables appartenant à des styles différents, en général situés par rapport à l’usage légitime. Les marques d’usage sont alors une technique éditoriale pour fournir aux lecteurs des renseignements succincts sur le statut du mot, lorsqu’il n’appartient pas à l’usage légitime, les usages de celui-ci étant considérés comme neutres. En fait, elles ont comme fonction de refléter les conflits d’usage à l’intérieur de la langue, en situant les protagonistes les uns par rapport aux autres autour de l’usage dominant pris comme usage légitime. On pourrait étendre cette dernière remarque à l’ensemble des dictionnaires, même d’argot, pour la simple raison qu’il existe une norme de l’argot, comme de toute autre variété, avec des déviances par rapport à elle qu’il faut situer ou exclure.

4. Les deux facettes du mot : le sens et les connotations

Le mot peut transmettre deux types d’information : une information dénotative, le signifié de De Saussure, le sens, c’est-à-dire l’idée, le concept que le mot évoque; une information connotative, information d’un autre ordre qui s’ajoute au sens et qui évoque des réalités d’une toute autre nature, ce qui différencie ce mot de ses parasynonymes ou lui confère un caractère particulier dans l’usage.

Tout mot a un sens, même en poésie, bien qu’alors ce sens puisse être plus personnel au poète que commun à l’ensemble des locuteurs, avec, comme conséquence, que les textes poétiques ne peuvent être insérés dans la documentation d’un dictionnaire sans tenir compte de ce fait particulier qui les distingue des textes d’autres styles. Par contre, tout mot n’est pas doté d’une connotation. Il y a des mots sans connotation et des mots avec connotation : le dictionnaire ne marque, quand il le fait, que les seconds, les autres étant dès lors considérés comme neutres, sans autre indication que l’absence d’une marque. Les personnes qui consultent un dictionnaire connaissent cette convention et interprètent ainsi le texte des articles.

L’attribution d’un sens ou d’une connotation à un mot par le lexicographe relève de la même démarche : d’abord, l’observation des faits de langue dans l’ensemble de la communauté linguistique ou dans une partie seulement, selon les objectifs de la description; ensuite, l’analyse et la description de la double valeur des mots, dénotative et connotative, où la compétence langagière et méthodologique du lexicographe a une grande importance. Aussi bien pour le sens que pour la connotation, cette description doit rendre compte du consensus du plus grand nombre de locuteurs, c’est-à-dire décrire la norme légitime et le marché linguistique qu’elle génère.

Dans l’un et l’autre cas également, le lexicographe doit se donner une méthode de travail la plus rigoureuse et la plus objective possible, pour atténuer la part d’arbitraire. Ceci est, aujourd’hui, particulièrement vrai quand il s’agit d’identifier les connotations. À cet égard, la méthode de Bally demeure intéressante pour l’analyse de la connotation, de ce qu’il appelle la valeur stylistique. Elle comporte trois étapes : d’abord, repérage et regroupement de tous les mots qui ont en commun le même sens, qui renvoient au même concept, ce qu’il nomme la série synonymique; ensuite, choix de l’un d’entre eux comme terme le plus neutre, celui qui dénote le mieux le concept sans ou avec le moins de valeur stylistique, qu’il considère comme terme d’identification de la série synonymique; enfin, examen de chaque mot de la série pour déterminer ce que chacun ajoute au sens, ce qu’il appelle sa valeur stylistique et que nous considérons comme l’information connotative transmise. Prenons un exemple, sans trop le développer. Soit la série synonymique québécoise suivante : soûl, chaud, paqueté, ivre, gai, paf, rond, parti, pompette, éméché. Terme d’identification : ivre. Valeur stylistique : langue neutre : ivre (constat), soûl (augmentatif), gai (atténuatif); tous les autres mots ont une valeur stylistique très forte, soit atténuative : pompette, éméché, soit augmentative : parti, rond, chaud, paqueté, paf. La même série synonymique en France serait différente, soit, citée d’après le NPR : ivre, aviné, enivré, soûl, beurré, blindé, bourré, brindezingue, cuit, cuité, noir, paf, pété, pinté, plein, rond, schlass, éméché, gai, gris, parti, pompette. Du point de vue lexicographique, la méthode de Bally est très stimulante parce qu’elle oblige à regrouper tous les mots apparentés par le sens et à les distinguer les uns des autres selon une grille de connotation à définir pour les fins du dictionnaire.

Les dictionnaires se sont donné comme objectif premier de décrire le ou les sens du mot et, en second lieu, de noter les connotations du mot dans l’un ou l’autre de ses sens par des marques. Cependant, ces marques ne bénéficient pas d’une analyse et d’une théorie aussi rigoureuses que la sémantique dénotative. En fait, on dirait que c’est par nécessité pratique d’indiquer une connotation indispensable à un usage judicieux du mot que le système des marques s’est peu à peu établi dans la pratique lexicographique et non sur la base d’une conceptualisation poussée de cet aspect du mot, qui guiderait, avec un minimum d’objectivité, l’attribution d’une marque à un mot.

Il nous apparaît donc utile à nos discussions de présenter un classement des différentes connotations possibles. Nous distinguerons trois grandes catégories : les connotations sociolinguistiques, les connotations topolectales et les connotations d’usage spécialisé.

4.1 Les connotations sociolinguistiques

Les connotations sociolinguistiques fonctionnent à l’intérieur d’une même communauté linguistique. Elles transmettent des indices qui, d’une part, différencient le mot par rapport à ses proches dans le même champ sémantique et, d’autre part, situent celui qui l’emploie dans le marché linguistique par rapport aux autres locuteurs de la langue.

C’est la catégorie de marques la plus diversifiée et la plus difficile à conceptualiser et à organiser. Dans l’état actuel de l’analyse, on peut distinguer les sous-catégories suivantes.

Les connotations d’appartenance sociale. — Elles correspondent à l’identification du sous-groupe de locuteurs auquel appartient l’usage de ce mot ou de ce sens selon l’analyse qui est faite de la mosaïque linguistique par rapport à l’usage légitime. Dans la pratique actuelle, la seule marque de cette sous-catégorie est la marque populaire par opposition à bourgeois. L’analyse est vraiment trop rudimentaire pour être encore valable.

Les connotations stylistiques. — Elles identifient les différents registres que l’on observe à l’intérieur de l’usage légitime de la langue. Si on en juge par la terminologie courante, cette sous-catégorie est diversifiée. On distingue généralement : langue parlée par opposition à langue écrite, langue familière, langue soutenue, langue littéraire, langue didactique, langue poétique.

Les connotations évaluatives. — Elles ajoutent au sens du mot l’indication de l’appréciation personnelle du locuteur de la chose elle-même. Elles permettent au locuteur d’indiquer la manière dont il perçoit la chose ou la manière dont il entend la présenter, d’après des jugements de nature diverse : jugement de valeur (mélioratif/péjoratif), jugement de politesse (vulgaire), jugement d’intensité (diminutif, augmentatif, euphémisme, ironique). C’est une sous-catégorie importante, autant parce qu’elle révèle la richesse de nuances dont le locuteur dispose par la langue que parce qu’elle décrit les valeurs attachées aux mots et qui font l’objet d’un consensus dans la communauté linguistique, puisqu’elles sont interprétées correctement par ses membres.

Les connotations d’origine linguistique. — Elles s’attachent au sens quand, dans certains cas d’emprunts ou de mots particuliers, l’origine du mot est perçue et interprétée dans un sens ou dans l’autre, par le locuteur et par son interlocuteur, avec des conflits possibles d’attitudes entre eux. Il ne faut donc pas les confondre avec la notation de l’étymologie du mot, qui est une tout autre affaire.

Les marques déposées entrent dans cette sous-catégorie et doivent être notées soigneusement à cause des éventuels conséquences juridiques de l’usage de ces mots sans l’indication de la restriction d’emploi qui les affecte.

La distinction la plus importante à établir ici est entre emprunt sans sentiment de concurrence et emprunt avec sentiment de concurrence entre la langue emprunteuse et la langue prêteuse, ce sentiment pouvant être conflictuel entre les membres de la communauté. Dans le premier groupe, on peut classer les empmnts intégrés, le plus souvent anciens, les emprunts de nécessité, pour nommer des faits de culture sans équivalent dans la langue emprunteuse, les emprunts d’ordre stylistique, par exemple dans le roman ou le théâtre par souci de couleur locale ou de vraisemblance. Dans le second groupe, on trouve les emprunts de luxe, les emprunts abusifs, dont l’usage peut relever de la mode et/ou signifier une relation de dominance de la langue prêteuse sur la langue emprunteuse, ou révéler un état ancien de colonisation linguistique et terminologique, dans le cas du Québec tout particulièrement.

Les connotations normatives. — Elles s’attachent à certains mots ou sens pour les distinguer d’un autre dont l’usage est contesté par des instances linguistiques dotées d’une certaine autorité morale. Ou bien le locuteur indique ainsi sa connaissance des usages recommandés, ou bien le dictionnaire indique à l’usager le fait que ce mot est préférable à tel autre.

Les connotations de fréquence. — Elles distinguent les mots ordinaires, courants, des mots rares, des mots inusités, des hapax.

Les connotations chronologiques. — On peut distinguer deux types de connotations chronologiques : les connotations révélant des états de langue antérieurs, selon l’histoire de chaque langue : langue ancienne, langue classique; les connotations de micro-chronologie, révélant les couches d’âge dans la mosaïque linguistique. Pour les mots du premier groupe, on perçoit des caractères qui les distinguent : mots anciens, vieux mots, mot d’une époque particulière. De même pour les mots du second : mot vieilli, néologisme, mot enfantin, mot à la mode.

4.2 Les connotations topolectales

À la différence des marques sociolinguistiques, les connotations topolectales fonctionnent d’une communauté à une autre à l’intérieur de la communauté plus large de tous les locuteurs qui partagent la même langue, par exemple entre les locuteurs du français au Québec, en France, en Belgique, en Suisse ou dans un pays d’Afrique, ou entre les locuteurs de l’anglais aux États-Unis, en Grande- Bretagne ou en Australie, ou même, d’une manière plus étroite, entre les locuteurs d’une région et d’une autre dans le même pays, entre l’Est, le Sud et l’Ouest des États-Unis, par exemple.

Elles transmettent des indices qui identifient un mot ou un sens comme appartenant à une autre communauté et qu’il est soit nécessaire d’utiliser dans certaines circonstances, par exemple pour désigner des institutions qui lui sont propres, soit utile à connaître pour décoder les locuteurs et les textes de cette variante. Elles révèlent l’écart entre un fait de langue et les usages habituels de la communauté à laquelle appartient le locuteur, que décrit le dictionnaire. Elles présupposent donc des relations suffisamment fréquentes entre les communautés en cause et une certaine connaissance réciproque des usages linguistiques communs et particuliers aux uns et aux autres.

Elles fonctionnent à partir de la perception du locuteur selon l’usage de sa propre communauté. Ce sont donc les autres qui sont différents, vieil adage qui s’applique toujours, surtout dans la langue et le lexique qui jouent un rôle important dans le sentiment d’appartenance et d’identité culturelle.

4.3 Les connotations d’usage spécialisé

Les connotations d’usage spécialisé transmettent l’indice d’appartenance d’un mot ou d’un sens à un segment spécialisé du lexique global de la langue et attribuent à celui qui l’utilise une certaine connivence avec un groupe particulier d’utilisateurs de la langue, qui va des milieux d’initiés (argot scolaire, argot des trafiquants, par exemple) aux divers milieux professionnels, chacun doté d’une langue de spécialité qui lui est propre.

4.4 Application aux dictionnaires

L’emploi des marques d’usage en lexicographie nous apparaît comme une tentative plus ou moins heureuse et plus ou moins systématique d’indiquer les connotations du mot. Chose certaine, la théorie des marques devrait s’élaborer à partir d’une analyse approfondie de la nature de la connotation, de son mode de fonctionnement dans la conscience linguistique des locuteurs et des différentes valeurs qui sont ainsi attachées à la charge strictement dénotative des mots. À ma connaissance, il existe peu d’études de ce type dans la documentation linguistique actuelle. Les renseignements de cette nature sont épars et ne sont jamais l’objet d’une préoccupation propre, mais sont plutôt incidents à d’autres sujets de préoccupation et traités avec l’intérêt qu’on accorde à un aspect secondaire du sujet principal.

5. Le rôle normatif du dictionnaire

Tous les dictionnaires sont normatifs, mêmes les dictionnaires de français populaire. Boutade? Pas vraiment, en apparence seulement, parce qu’ainsi, nous voulons attirer l’attention sur la pluralité des normes (parce qu’il existe une norme pour chaque variété de langue) et sur la quasi-synonymie entre norme, normatif et usage standard de chaque variété (cf. ci-dessus, §3). Entre un dictionnaire dit normatif et un autre dit descriptif, il n’y a qu’une différence d’objectif principal, qui entraîne des conséquences d’ordre méthodologique, mais il n’empêche que l’un et l’autre soient normatifs. « En effet, le dictionnaire, qu’il soit libéral ou puriste, n’échappe pas à la norme », dit Alain Rey, dans Norme et Dictionnaires (1983 : 553). Je me référerai souvent à ce texte, parce qu’il est pertinent à notre réunion et qu’il est d’un lexicographe de grande expérience doublé d’un linguiste qui a beaucoup réfléchi sur sa propre pratique lexicographique et sur celle des autres.

Pour examiner le rôle normatif du dictionnaire, je distinguerai les deux aspects du dictionnaire : le dictionnaire comme objet scientifique d’ordre linguistique et le dictionnaire comme objet commercial, lié à des préoccupations de marché.

5.1 Le dictionnaire comme objet scientifique

« Tout dictionnaire puise dans une pluralité d’usages et prétend fournir une image de la “langue”; en fait, il construit une proposition d’usage fondée sur une hiérarchie » (p. 546). Cette proposition d’usage varie d’un type de dictionnaire à un autre et Rey en distingue principalement trois : le dictionnaire pédagogique, dont la norme est celle de l’institution scolaire, dans la perspective de la Reproduction de Bourdieu-Passeron (1970); le dictionnaire normatif, correctif ou de difficultés, dont l’objectif est de proposer l’usage le plus sûr parmi tous ceux qui se font concurrence et dont les positions normatives peuvent être très différentes, depuis le purisme le plus étroit jusqu’à la simple recommandation d’un usage en cas de doute; enfin, le dictionnaire descriptif, « culturel », où « la norme est orientée vers l’“élite cultivée”, unie par ses pratiques intellectuelles, par son “capital” scolaire et universitaire » (p. 545), sur la base du discours littéraire ou didactique, dont les avantages lexicographiques sont évidents : « correction » syntaxique, « élégance » ou « qualité » stylistique, maîtrise du système en même temps que maîtrise d’un ou de plusieurs usages à l’occasion des circonstances de discours, variété thématique et variété des univers de discours (p. 547, note 4). Appliqué au dictionnaire québécois, ce recours au texte littéraire doit être soumis à une analyse critique qui tienne compte de deux phénomènes propres à la littérature québécoise, soit l’éloignement de la langue parlée par rapport à la langue écrite qui se reflète dans les dialogues ou même dans le texte, surtout au théâtre, et le militantisme, populaire ou politique, de certains écrivains, surtout à l’époque de la littérature joualisante, qui a eu l’avantage de libérer le champ littéraire d’une trop grande pression de la norme parisienne.

Cette proposition d’usage s’élabore d’après une méthode de travail qui est peu à peu passée de l’artisanat à une méthodologie fondée sur un ensemble de connaissances empruntées à la linguistique, à la sémiologie et à la sociologie, à la suite des réflexions épistémologiques des lexicographes et lexicologues sur l’art de faire un dictionnaire. Certains aspects de cette méthodologie ont une relation directe avec la norme. Le recours à un corpus de textes est souvent évoqué comme contrepartie à l’arbitraire du lexicographe. Il est évident que le corpus offre des garanties d’objectivité et qu’il permet d’appuyer l’analyse du lexique sur des relevés de mots, pour en établir l’existence et la fréquence et pour éviter, autant que faire se peut, les oublis; de plus, il fournit des exemples réels, pour délimiter et illustrer le ou les sens de chaque mot, de même que, le cas échéant, leurs connotations. Mais le corpus, même très extensif, ne peut pas épuiser tous les discours possibles; il n’est qu’un échantillon, qui doit être constitué selon des critères en rapport avec l’objectif poursuivi par chaque dictionnaire. De plus, le corpus doit être traité et se trouve ainsi réintroduite la compétence langagière du ou des rédacteurs, « compétence sociologique modulée par l’histoire individuelle à l’intérieur de l’histoire collective, par les attitudes personnelles à l’intérieur des modèles idéologiques et socioculturels » (p. 547). Il se peut enfin que le corpus doive être complété, notamment pour le repérage et l’ajout des termes propres aux langues de spécialité, qui peuvent très bien ne pas y apparaître et qu’il est jugé nécessaire d’introduire dans le dictionnaire pour des raisons à définir. Avec ou sans corpus, la matière et le contenu de tout dictionnaire est le résultat d’un ensemble d’opérations : tris, choix, exclusions, classements, hiérarchisation, analyses, qui font appel à la connaissance de la langue chez les rédacteurs. Les opérations de choix et d’exclusion sont particulièrement significatives du point de vue normatif, car c’est par là « que procède la normativité du dictionnaire », non par « un discours d’interdiction » (p. 543).

Enfin, malgré les précautions méthodologiques qui sont prises pour la préparation d’un dictionnaire, il demeure que son discours n’est pas scientifique, mais didactique. « Comme le manuel, le dictionnaire - et pas seulement le dictionnaire pédagogique - est voué au didactisme, c’est-à-dire à la “reproduction” socioculturelle d’un savoir, à la diffusion d’attitudes et de jugements acquis [...]. Alors même que ses auteurs peuvent n’avoir souci que de description objective, le dictionnaire a des destinataires, pour lesquels cette description - didactiquement transmise - est la norme, la vérité. Ceci donne une signification différente - toujours dans le sens normatif - au texte lexicographique. » (p. 566)

5.2 Le dictionnaire comme objet commercial

Ici, le point de vue n’est plus celui du linguiste ou du lexicographe, mais celui de l’éditeur, qui est un homme d’affaires. Au départ, il nous faut accepter que ses préoccupations et sa logique sont tout aussi respectables que celles du linguiste/lexicographe. Nous essaierons de cerner la manière dont il envisage le dictionnaire.

Sa première préoccupation, fondamentale, est celle de la rentabilité de l’opération par rapport à la concurrence. Il lui faut connaître : l’état du marché et de la concurrence dans le secteur général des dictionnaires, les prix de vente pratiqués, les créneaux disponibles ou, tout au moins, ouverts à de nouveaux produits, le tout pour déterminer sa capacité de contrer les concurrents, notamment en déterminant un prix de vente concurrentiel pour un futur ouvrage et en offrant un produit qui se différencie des autres produits semblables, de préférence en y ajoutant quelque chose de plus. Le prix de vente sert de base au calcul de l’investissement qu’il lui serait possible de faire dans ce projet en fonction de l’appréciation du temps de recouvrement dudit investissement par les profits générés par la vente de l’ouvrage. Enfin, par un simple calcul, le prix de vente fixe l’espace disponible en fonction d’un certain format, calculé en nombre de pages et/ou de signes.

Cet espace est, en définitive, le principal facteur qui déterminera la nomenclature du futur dictionnaire et l’étendue des articles. L’autre facteur, tout aussi important, est le choix du public cible et la prise en compte des attentes et des besoins de ce public particulier. Car, surtout dans les dictionnaires de langue, il faut bien « interroger la finalité sociale du dictionnaire et les conditions mêmes de son existence » (Rey, 1983 : 544). Qu’on le veuille ou non, que la chose plaise ou non aux lexicographes « descriptifs », pour le grand public, le dictionnaire décrit le bon usage et doit fournir la bonne réponse en cas de doute de la part de celui ou de celle qui le consulte.

Trouver des réponses à toutes ces questions peut se faire intuitivement, de par la seule connaissance empirique du domaine des dictionnaires ou se faire d’une manière plus « commerciale », sous forme d’une étude de marché. Les manières de faire sont très variables d’une maison d’édition à une autre. Chose certaine, il me semble très imprudent d’entreprendre la rédaction d’un dictionnaire avant d’avoir des données précises et valables sur chacun des points que nous venons d’évoquer. Par exemple, même le dictionnaire de Nancy a été obligé de revoir à la baisse ses ambitions quand il s’est heurté à la logique du marché et il est plus que probable que les autres tranches du projet initial, pour les états antérieurs de la langue française, ne soient jamais entreprises à cause des coûts prévisibles.

Une fois l’espace disponible déterminé et le public cible identifié, il faut encore définir la politique éditoriale du futur dictionnaire. On revient alors aux préoccupations, objectifs et compétences du lexicographe principal, avec ou sans équipe de collaborateurs (mais il vaut mieux qu’il y ait un seul responsable de projet, ne serait-ce que pour prendre les décisions qui s’imposent). Les éléments essentiels de cette politique sont les suivants : définir une stratégie de collecte des informations qui serviront de matériau de base pour la préparation du dictionnaire, fixer les critères de sélection des entrées en fonction des objectifs du dictionnaire par rapport au public cible, mettre au point un appareil métalinguistique et typographique pour la rédaction et la présentation de l’ouvrage. S’introduit ici la question centrale de la norme, du standard de la langue que l’on veut décrire, qui entraîne le recours aux marques pour mettre en perspective les usages plus ou moins à la périphérie de cet usage de référence.

6. La pratique actuelle des marques et perspectives de renouvellement

Nous voudrions maintenant examiner la pratique actuelle des marques d’un double point de vue : d’une part, rappeler les marques utilisées actuellement, telles qu’on les trouve dans la tradition lexicographique française dont nous nous inspirons, et citer leurs définitions, du moins celles qu’on retrouve dans les ouvrages qui ont pris soin de les expliciter (et ils sont peu nombreux, cf. les définitions en annexe); d’autre part, extraire de ces définitions le point de vue où se sont placés les lexicographes qui les ont engendrées et utilisées.

Cette dernière préoccupation nous amène tout naturellement à poser un regard critique sur l’a priori théorique de chaque définition et, le cas échéant, de proposer une nouvelle approche.

Indépendamment de la typologie des connotations proposée précédemment, nous nous en tiendrons aux catégories de marques soumises à notre attention dans la fiche de projet de la table ronde, soit : les marques topolectales, les marques d’emprunt, les marques normatives et, enfin, les marques sociolinguistiques. De plus, les dictionnaires de la maison Le Robert étant pratiquement les seuls à définir les marques d’usage qui sont utilisées dans le corps du texte des articles, nous citerons surtout les définitions du Nouveau Petit Robert (1993) comme révélatrices de la manière dont les lexicographes français conçoivent chacune d’elles. De même, nous emprunterons à ce dictionnaire les exemples qui illustrent nos propos.

6.1 Les marques topolectales

En fait, on ne trouve, dans la plupart des dictionnaires français, qu’une seule marque dans cette catégorie, la marque régional définie ainsi : « mot ou emploi particulier au français parlé dans une ou plusieurs régions [France, pays francophones], mais qui n’est pas d’usage général ou qui est senti comme propre à une région » (NPR, 1993 : XXVIII). Elle se complète très souvent de la mention de la ou des régions concernées. Par exemple, à l’entrée bleuet, on trouve : « RÉGION. (Canada) Baie bleue de l’airelle des bois, ou myrtille d’Amérique » et à septante : « VX ou RÉGION. (Belgique, Suisse, est de la France, Acadie) Soixante-dix. »

Cette définition implique deux présupposés. D’abord, le choix d’une communauté linguistique de référence et de son usage légitime comme lieu d’appréciation de ce qui est régional. Ensuite, la perception, chez les locuteurs de cette communauté (ou chez le lexicographe), du caractère non endogène du fait linguistique ainsi marqué, donc une certaine conception des relations entre leur usage propre et celui des locuteurs d’une autre communauté de la même langue, d’où découlent des attitudes variées. En conséquence, la marque régional ne se confond pas avec la notation de l’origine du mot : aussitôt qu’un mot est admis dans l’usage de la communauté de référence, il cesse d’être considéré comme régional, indépendamment de son origine. Ainsi, le mot balafon (originaire du malinké de Guinée) n’est pas indiqué comme régional, ni le mot ailloli (du provençal). Les présupposés indiqués sont donc essentiels à la notion de la marque régional.

En conséquence, dans un projet de dictionnaire de l’usage du français au Québec, il faut prendre l’usage légitime québécois comme critère d’acceptabilité d’un mot ou d’un sens. Serait-ce à dire qu’il ne faut rien marquer de ce qui est proprement québécois? Je ne le crois pas, parce que, pour certains mots ou certains sens, les Québécois ressentent le besoin de se situer par rapport à l’usage français ou auraient avantage à connaître l’écart entre notre usage et celui de France, à une époque où les échanges sont plus intenses entre ces deux communautés, surtout pour au moins pouvoir s’adapter aux exigences de la situation de communication. La question qui se pose alors est de déterminer quand ce type d’information est utile et d’étayer ce diagnostic sur des critères sociolinguistiques explicites, pour éviter le plus possible la part « de convention et d’arbitraire » dont parle Guiraud (1965 : 6) comme allant de soi dans la description du lexique. Pour l’instant, il me semble que nous aurions avantage à le faire dans au moins trois cas : pour indiquer des faits culturels propres à la France, par exemple : département, préfecture et préfet; pour indiquer des sens différents attribués au même mot, ici et en France, par exemple : bleuet, scotch; pour mettre en relation d’équivalence des mots qui renvoient à la même notion, de manière à établir la bonne correspondance entre chaque mot et sa communauté d’appartenance : bas / chaussette, mitaine / moufle, efface / gomme à effacer.

Dans la pratique du dictionnaire, on peut indiquer cette marque de diverses manières : indiquer la communauté linguistique entre parenthèses, intégrer la mention dans le corps de la définition, créer deux articles si les sens sont trop éloignés, comme pour épinette dans le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1993) ou le Dictionnaire du français plus (1988).

6.2 Les marques d’emprunt

Dans le cas de la notation des emprunts, l’essentiel est de prendre en compte la concurrence linguistique et de bien distinguer les emprunts qui entrent en concurrence avec un mot de la langue de ceux qui ne font pas concurrence à un mot existant, en somme d’identifier par une marque les emprunts de luxe, les emprunt inutiles.

À cet égard, la distinction entre anglais et anglicisme dans le NPR est tout à fait satisfaisante de même que la définition de la marque anglicisme : « mot anglais, de quelque provenance qu’il soit, employé en français et critiqué comme emprunt abusif ou inutile (les mots anglais employés depuis longtemps et normalement en français ne sont pas précédés de cette marque) » (p. XXIII). L’indication de l’origine linguistique d’un terme d’emprunt sans concurrence est intéressante pour indiquer les contributions d’une langue à l’enrichissement lexical du français. Au Québec, on pourrait ainsi repérer les apports des langues amérindiennes et de l’inuktitut, et ceux des diverses communautés culturelles.

Pour discuter des critères de distinction entre emprunts admissibles et emprunts de luxe, on pourrait s’inspirer de l’énoncé de politique de l’Office de la langue française (Office de la langue française, 1980), qui me semble encore la proposition la plus réaliste, la plus explicite et la plus fonctionnelle. De plus, dans le contexte québécois, où un certain colonialisme linguistique de la part de l’anglais a pesé et continue de peser sur la pratique de la langue française, je tiens à souligner que le seul critère de l’usage, de son ancienneté ou de sa fréquence n’est pas suffisant pour déterminer qu’un mot ou un sens anglais est admissible dans l’usage légitime, à moins de vouloir entériner l’usage populaire, consacrer les conséquences d’un passé de langue dominée et compromettre tout effort de redressement, soit par l’École, soit dans le cadre de l’aménagement de la langue au Québec. Il ne faut pas oublier que le dictionnaire fait partie des rites d’institution (Bourdieu) et qu’il joue un important rôle normatif auprès de ses lecteurs.

6.3 Les marques normatives

Les marques normatives sont d’un ordre particulier. Elles renvoient au discours sur la langue. Elles évoquent et font appel au sentiment normatif du locuteur en attirant son attention sur les réserves qui existent à l’égard d’un mot, d’un sens, d’une expression, pour le mettre en garde contre un usage répandu jugé discutable ou condamnable. Elles supposent donc des avis exprimés et partagés par un certain nombre de locuteurs, au sein de la communauté, à l’égard de faits de langue précis. Dans certains cas ou certaines situations, elles impliquent des personnes ou des organismes qui jouent un rôle particulier dans la définition de l’usage légitime. En général, elles sont indiquées par des notes (emploi critiqué et terme recommandé, par exemple) avec, souvent, la mention de la source de cet avis.

La discussion porte ici surtout sur la pertinence de la remarque normative par rapport à l’usage réel et sur la crédibilité de la (des) personne(s) ou de l’organisme qui a formulé la réserve objet de la marque. À cet effet, Rey note que « l’intrusion de la norme prend ici figure officielle, ministérielle - et les dictionnaires ne peuvent refuser cette manifestation évaluative et prescriptive, alors même qu’ils se veulent descriptifs » (Rey, 1983 : 546).

6.4 Les marques sociolinguistiques

Dans la pratique lexicographique actuelle, il s’agit certainement de la catégorie de marques la plus embarrassante, tant dans les présupposés des définitions de chacune d’entre elles que dans la difficulté d’attribuer l’une ou l’autre à un fait de langue. Nous amorcerons nos propos à partir de l’observation des critères sur lesquels reposent les définitions traditionnelles de ces marques, sur la base des définitions jointes en annexe.

Les marques argotique, vulgaire, populaire. — Le premier groupe de marques sociolinguistiques comprend habituellement les marques argotique (ARG.), vulgaire (VULG.), populaire (POP.). Il est délimité par le critère du partage de la société en classes sociales et des différences d’usage de la langue qui les distinguent, sur la base principalement de l’opposition populaire / bourgeois.

La référence à cette opposition est constante dans la tradition française à travers toutes les époques. Ainsi, Henri Bauche (1920) définissait le français populaire comme « l’idiome parlé couramment et naturellement par le peuple », avec connotation péjorative au mot peuple. Dans le premier tome du Grand Robert, première édition (1953), on peut lire : « Pop. : populaire, c’est-à-dire courant dans les milieux populaires des villes, mais réprouvé ou évité par l’ensemble de la bourgeoisie cultivée. » Pierre Guiraud est très explicite sur ce point : « C’est cette parlure vulgaire, langue du peuple de Paris, dans sa vie quotidienne, qui constitue l’objet du présent ouvrage. [...] Entre le français populaire (la parlure vulgaire) et le français cultivé (la parlure bourgeoise), il y a la distance d’une culture. [...] Mais la différence essentielle tient au fait que le français cultivé est défini par des règles tirées à la fois d’une réflexion sur l’idiome et de l’expérience d’une tradition, alors que le français du peuple n’est soumis qu’aux lois naturelles qui gouvernent tout système de signes. » (1965 : 10) La famille des Robert demeure fidèle à cette opposition; dans le NPR, on donne comme définition; « populaire : qualifie un mot ou un sens courant dans la langue parlée des milieux populaires (souvent argot ancien répandu), qui ne s’emploierait pas dans un milieu social élevé. (À distinguer de FAM., qui concerne une situation de communication). » (1993 : XXVIII)

Pour ma part, je proposerais d’abandonner l’opposition populaire / bourgeois et les adjectifs qui s’y réfèrent, de la remplacer par une analyse de la société en sous-groupes de locuteurs définis par des critères objectifs, du type niveau de scolarité, niveau de revenu, type d’occupation, et de relier les faits linguistiques à ces nouveaux sous-groupes. Rey pense que le facteur le plus significatif est le niveau de scolarité. « C’est sans doute avec le “capital scolaire”, plus qu’avec le “capital économique”, que s’articule la hiérarchie des usages langagiers dans une zone géographique donnée et à un moment donné. C’est là que d’importantes normes évaluatives se construisent, s’affermissent et rétroagissent; c’est là enfin qu’une norme prescriptive trouve sa véritable justification - qui n’est ni esthétique, ni mythique, ni paranoïaque, comme l’est parfois la norme puriste. Cette norme assure la transmission d’une compétence sociale spécifique à l’intérieur de la compétence large des locuteurs de “la langue”[...] ». (1983 : 557) Cette nouvelle analyse et l’établissement de la relation entre sous-groupes identifiés et usage linguistique, d’après des exemples tirés d’un corpus d’analyse, est de la compétence des sociolinguistes. Ce serait leur plus importante contribution au nécessaire renouvellement de la pratique lexicographique.

L’adjectif vulgaire est ambigu. Comme l’attestent les définitions citées précédemment, il s’oppose parfois à bourgeois. Mais il signifie aussi « impoli, grossier, inconvenant ». C’est avec ce sens que la marque VULG. est utilisée dans les Robert : « vulgaire : mot, sens ou emploi choquant, le plus souvent lié à la sexualité et à la violence, qu’on ne peut employer dans un discours soucieux de courtoisie, quelle que soit l’origine sociale » (NPR, 1993 : XXIX). Nous proposons de conserver ce critère de politesse et de le définir comme tel, et de l’indiquer soit en conservant la marque VULG., soit en trouvant une autre étiquette moins connotée, plus neutre.

Le terme argot, et surtout l’adjectif argotique, sont également ambigus. Généralement, argot renvoie au vocabulaire particulier à un milieu d’initiés (argot scolaire) ou au vocabulaire d’une activité spécialisée (argot des chimistes). Sans doute à cause du rapprochement fréquent entre argot et l’argot des malfaiteurs ou des petits métiers, un lien s’est établi entre argot, argotique, et un usage de la langue quelque part vers populaire et familier. Il faudrait donc examiner attentivement cette marque. Pour ma part, je proposerais de restreindre argot et argotique pour désigner des éléments lexicaux propres à un milieu d’initiés, avec son sens de langage d’exclusion, et de renvoyer à la notion de langue spécialisée les vocabulaires de spécialité.

Les marques familier, didactique, littéraire, poétique. — Le second groupe de marques est délimité par la prise en considération des circonstances de communication, qui confèrent un caractère stylistique au mot ou à l’expression. Dans la pratique actuelle, appartiennent à ce groupe l’opposition langue familière / langue soutenue et les marques didactique, littéraire, poétique. Nous ajouterons certaines remarques sur l’opposition langue parlée / langue écrite, surtout à propos de la marque familier.

La marque familier est ainsi définie dans le NPR : « usage parlé et même écrit de la langue quotidienne : conversation, etc., mais ne s’emploierait pas dans les circonstances solennelles; concerne la situation de discours et non l’appartenance sociale, à la différence de POP. » (1993 : XXV). La définition donnée à l’entrée familière st tout aussi révélatrice : « 4. Qu’on emploie naturellement en tous milieux dans la conversation courante et même par écrit, mais qu’on évite dans les relations avec des supérieurs, les relations officielles et les ouvrages qui se veulent sérieux. »

Il y a donc une relation entre cette marque et les usages en langue parlée. Il en découle un certain malaise face à l’évolution qu’on observe aujourd’hui dans la lexicographie française et québécoise. Il tient à deux faits. D’une part, la langue parlée se rapproche de plus en plus de la langue populaire et s’éloigne de plus en plus de la langue soutenue, qui demeure très influencée par la langue écrite, d’où l’introduction dans les usages parlés de mots, de sens et d’expressions empruntés à la langue populaire et à l’argot. François Caradec (1988), bon observateur du français populaire, prétend qu’« il est devenu faux de dire aujourd’hui que cette langue est seulement “populaire”, elle est devenue la langue française “parlée” connue de tous les Français, même si certains feignent de l’ignorer, ou si, par une pudeur encore imposée par les conventions sociales, ils lui préfèrent, mais de moins en moins, un langage plus châtié, plus proche de ce qu’il est convenu d’écrire. » (1988 : 9). Or, d’autre part, les dictionnaires décrivent traditionnellement la langue écrite soutenue, pour ne pas dire littéraire, avec force citations des auteurs recommandables, les emplois familiers étant introduits parcimonieusement, quand leur fréquence l’exige. Mais décrire le vocabulaire de la langue parlée n’a jamais été l’objectif des lexicographes. On risque donc actuellement, en augmentant le nombre d’emplois de la langue parlée, donc familière, de s’engager dans une nouvelle entreprise et de heurter le public, qui considère toujours le dictionnaire comme une institution de référence décrivant le bon usage de la langue écrite, assimilé au bon usage tout court. Une bonne part des réactions défavorables au Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1993) est attribuable à la tendance de ce dictionnaire d’introduire de nombreux usages de la langue parlée. Je ne dis pas qu’il est inadmissible de décrire le lexique de la langue parlée; je dis, plus simplement, qu’il s’agit alors d’une autre entreprise, où il faudra innover dans la pratique des marques en introduisant, peut-être, une nouvelle opposition langue parlée / langue écrite et en évitant de tout indiquer par la seule marque familier.

Les marques didactique, littéraire, poétique ne présentent pas de difficulté si on dispose d’un bon corpus de référence, puisqu’il est alors relativement facile de vérifier dans les textes l’adéquation de l’une ou de l’autre à un fait de lexique, surtout si on dispose de table de fréquence pouvant mettre en corrélation l’emploi et le type de textes. Les marques sociolinguistiques de ce groupe s’apparentent à des styles, à des registres. On pourrait définir ces styles avec précision, leur donner un nom ou tout simplement un numéro ou une lettre d’identification et marquer les faits de langue avec cette nouvelle grille stylistique. Il y aurait vraiment avantage à abandonner la marque FAM., qui confond trop de valeurs stylistiques sous une même dénomination.

7. Conclusion

En guise de conclusion, nous reviendrons sur les trois points qui nous semblent les plus importants, soit l’analyse des connotations et le renouvellement des marques qu’elle pourrait inspirer, le recours au corpus comme technique d’observation de la norme et la politique rédactionnelle d’un dictionnaire québécois à l’égard des marques.

Tableau récapitulatif de l’analyse des connotations. — Pour les fins de la discussion, et à nos risques et périls, nous avons regroupé sous forme de tableau la manière dont nous pensons qu’on pourrait renouveler l’analyse et la terminologie des marques d’usage. Ce tableau (cf. en annexe) n’épuise pas l’inventaire des valeurs connotatives, mais s’en tient aux marques que le programme propose d’examiner en priorité.

La première colonne rappelle le type de connotation dont il s’agit; la deuxième indique le terme que je propose pour désigner la marque et qui s’éloigne parfois de la tradition; la troisième décrit provisoirement les critères d’attribution de la marque à un fait de langue, en m’en tenant, pour l’instant, à ce que je pense être l’essentiel; et la quatrième cite le nom habituel de la marque.

Le recours au corpus. — Je suis convaincu qu’il faut fonder l’attribution des marques d’usage sur l’observation systématique, et non seulement intuitive, des faits de langue et que le recours au corpus impose, à cet égard, au lexicographe, une discipline et une prudence salutaires, qui guidera l’influence de sa propre compétence lors de l’analyse.

Le corpus devrait comporter deux grandes sections :

Ces deux corpus permettent l’un et l’autre d’observer la norme légitime et le jeu du marché linguistique autour de cette norme.

Éléments d’une politique rédactionnelle des marques. — À l’évidence, la description du lexique du français au Québec doit se faire du point de vue de l’usage légitime québécois, en tenant compte des attentes et des besoins des utilisateurs québécois.

Règle de conduite pour l’usage des marques : éviter les deux extrêmes, ne rien marquer ou tout marquer; marquer ce qui est observable et manifeste, soit dans l’usage, soit dans le discours sur l’usage; marquer ce qui est utile à l’efficacité de la communication entre Québécois et francophones d’ailleurs, dans l’esprit de ce que nous proposions au sujet des marques topolectales.

Références

Annexe 1 – Projet de grille des marques d’usage

Connotation Désignation proposée Critères d’emploi Désignation actuelle
C. topolectale
  • Nom du pays ou de la région
  • 1) Faits culturels français ou autres
  • 2) Mots avec sens différents Québec-France
  • 3) Mots différents Québec-France pour le même sens
  • Régional
  • Nom du pays ou de la région
C. sociolinguistique d’origine
  • Anglicisme
  • Concurrence linguistique
  • Anglicisme
C. sociolinguistique normative
  • Usage critiqué
  • Usage recommandé
  • Source de l’avis
  • Trace dans le corpus de discours sur la langue
  • Usage critiqué
  • Usage recommandé
  • Source de l’avis
C. sociolinguistique
  • Style 1
  • 1) Langue parlée, parfois écrite
  • 2) Locuteur de niveau socio-économique moyen ou bas
  • 3) Scolarité élémentaire ou moins
  • Vulgaire
  • Populaire
  • Style 2
  • 1) Langue parlée, parfois écrite
  • 2) Locuteur de niveau socio-économique confortable
  • 3) Scolarité élevée
  • 4) Situation de discours non formel
  • Familier
  • Style 3
  • 1) Langue écrite ou langue parlée
  • 2) Situation de discours formel
  • Soutenu
  • Style 4 + Indication du genre de texte
  • 1) Langue écrite, parfois parlée
  • 2) Texte de nature particulière
  • Didactique
  • Littéraire
  • Style 5
  • 1) Langue écrite
  • 2) Texte poétique
  • Poétique
  • Vulgaire
  • Jugement de politesse
  • Vulgaire
C. d’usage spécialisé
  • Argot
  • Notation de la spécialité
  • Mot en usage dans un milieu d’initiés
  • Termes techniques qui pénètrent dans l’usage général
  • Argot
  • Notation de la spécialité

Annexe 2 – Les définitions des marques d’usage dans la pratique actuelle

La plupart des dictionnaires se contentent de signaler les différents types d’usage en utilisant les abréviations habituelles sans les définir. Par contre, un petit nombre prend soin d’indiquer le sens attribué à ces mêmes abréviations, notamment la famille des dictionnaires Robert. Il est intéressant, pour notre discussion, de voir ce qu’on entend généralement par arg., vulg., pop. et fam.

Référence bibliographique

Corbeil, Jean-Claude, « Les marques d’usage comme technique de description des aspects connotatifs du lexique », contribution à la table ronde sur les marques lexicographiques, Montréal, 3 et 4 novembre 1994, Les marques lexicographiques en contexte québécois, Office de la langue française, coll. « Études, Recherches et Documentation », Gouvernement du Québec, 1998, p. 29-50. [article]